Moonlight-Graph Forum de détente et de graphisme |
| | |
Auteur | Message |
---|
Auzelles
Messages : 4794 Date de naissance : 16/10/1949 Date d'inscription : 25/10/2017 Localisation : Entre Crau et Camargue
| Sujet: Re: L'historiette du jour... Sam 17 Fév - 6:18 | |
| L'historiette du jour : Le disciple et le brochet de Nectoux MarcMathias, disciple de saint Pierre avait une obsession. Attraper le grand brochet qui sévissait dans le lac de Nantua. Chaque jour, il se rendait sur les rives de celui-ci, dans la ferme intention de capturer le royal poisson. Mais ce dernier, d’une taille et d’une force phénoménales, cassait sans merci toutes les lignes que le bon disciple lui proposait. Au fur et à mesure que le calibre du fil de pêche s’épaississait, le moral de Mathias s’amincissait. Il allait même, sur les conseils d’un de ses proches, armer sa ligne d’un filin d’acier. Il va sans dire que celui-ci ne manqua pas de subir le même sort que celui de ses prédécesseurs. - Lire la suite de l'historiette:
Tout ceci eut pour conséquence de plonger le bon disciple dans un état dépressif grave. Mais au bout de quelque temps, la nature combative de celui-ci reprit le dessus. Le grand brochet croyait avoir gagné la partie ? Qu’à cela ne tienne ! Lui, Mathias, allait lui faire savoir à qui il avait à faire !
Les jours qui suivirent, le brave homme multiplia les tentatives, mais celles-ci restèrent vaines. Et, pourtant il était là ! Mathias devinait la gueule fuselée du monstre immergé au ras des flots, pointée dans sa direction. Il devinait de même le regard pointu et vert de ce dernier le fixer d’arrogance.
— Tu ne pourras m’échapper éternellement, brochet de malheur, un jour tu commettras une erreur fatale, et moi, ce jour-là, je serai là !
Un matin, alors qu’il avait mouillé sa ligne depuis un long moment déjà, un homme errant, violoneux de son état, vint à lui pour lui demander l’aumône d’un bout de pain. Mathias eut pitié de lui, et lui remit son panier-repas, ne gardant rien pour lui. Pour récompenser ce geste charitable, le violoneux joua de son instrument. Alors que Mathias se préparait à entendre les notes d’une exécrable musique, celle-ci se révéla divine et enchanteresse, tant et si bien qu’il demanda au vagabond de jouer encore et encore. Hélas, à la nième fois, sollicitée à l’extrême par l’archer, une corde cassa tout net. À la grande surprise de Mathias, le violoneux offrit à celui-ci cette corde en lui disant.
— Prends cette corde et fixe là au bas de ta ligne. Tu pourras enfin prendre le grand brochet que tu désires tant capturer.
Mathias le regarda avec étonnement. Comment ce misérable vagabond avait-il pu percer à jour ses intentions ? Pourtant, il ne répondit rien et monta son bas de ligne avec la corde cassée du violon. Après y avoir fixé un hameçon il replongea sa ligne dans le miroir vert du lac. Par politesse, il avait accepté ce présent insolite, mais il ne se faisait aucune illusion. Ce n’était pas ce bout de corde qui allait changer les choses, là où des filins de bons aciers avaient échoué.
Pourtant, il n’eut pas longtemps à attendre avant de voir sa ligne se tendre jusqu’à se rompre. L’attaque avait été fulgurante et Mathias n’eut que le temps d’empoigner sa canne, avant qu’elle ne soit emportée dans les profondeurs du lac. Un sourire imperceptible se profila sur les lèvres du violoneux qui s’éclipsa sans bruit.
Mathias lutta pendant des heures avec le grand brochet, car c’était bien à lui qu’il livrait bataille. Le bas de ligne, équipé de la corde de violon cassé, vrillait sous l’extrême tension, faisant entendre du même coup, la mélodie enchanteresse interprétée par le vagabond quelques heures auparavant. Au bout d’un long moment, Mathias eut l’impression que les assauts du monstre étaient moins vigoureux. Lui-même ressentit une sensation d’engourdissement. Il se laissa envahir peu à peu par un sentiment de bien-être et de paix.
Le bout de ligne ne cassa point.
Plus personne ne revit Mathias, le bon disciple de saint Pierre, pêcher sur les rives du lac de Nantua.
Mais plus jamais de même on entendit parler du grand brochet.
Pourtant, il se raconte dans le pays que les nuits d’orage au-dessus du lac, certains pêcheurs auraient affirmé par tous les saints du ciel, avoir vu dans les reflets d’éclairs, Mathias chevauchant le grand brochet sur la crête des flots.
Mais il se dit tellement de choses en ce bas monde !
|
| | | Auzelles
Messages : 4794 Date de naissance : 16/10/1949 Date d'inscription : 25/10/2017 Localisation : Entre Crau et Camargue
| Sujet: Re: L'historiette du jour... Dim 18 Fév - 7:42 | |
| L'historiette du jour : La petite fille dans le nuage de Stéphane PilonIl était une fois, il y a longtemps, ou c’était hier, je ne me rappelle plus, dans les journaux on disait que c’était la guerre quelque part, ailleurs, dans un autre pays. Et comme les hommes, pour mal faire, ont toujours beaucoup d’imagination, ce que je lisais faisait monter, du fond de mes angoisses, de sombres histoires. Une de celles-là m’est restée, je ne sais pas pourquoi. C'était l'histoire d'une petite fille qui allait par un sentier, à la brunante, dans un pays meurtri où il est toujours dangereux de marcher à cause des mines que les monstres sèment partout. - Lire la suite de l'historiette:
Malgré la mort qui rôdait aux alentours, elle allait rendre visite à son « Grand-Père », comme elle disait. Cet aïeul était, en réalité, un très vieil arbre aux longues branches fléchies. Elle l'appelait ainsi parce que toute sa famille était enterrée à ses pieds, entre ses racines tourmentées. Ils étaient tous morts à cause de la guerre, presque tous à cause des mines. En marchant sur le sentier, le cœur léger, la petite fille chantonnait et rêvait, heureuse. Elle se remémorait les belles images des magazines qu'elle avait feuilletés au salon de coiffure où elle gagnait quelques sous à ramasser les cheveux coupés et à laver le plancher de tuiles rouges. Un jour elle irait à Paris et elle serait coiffeuse dans le plus grand salon de la plus belle ville de la terre. Un jour elle serait riche et célèbre et pourrait se payer tous les voyages qu'il lui plairait de faire. New York ! Rome ! Hong Kong ! Tokyo ! Elle serait enfin libre et partout où elle irait il n'y aurait pas de guerre et surtout... pas de mines. Elle était presque rendue lorsque l'horreur montra sa face hideuse ; elle mit le pied sur une de ces horribles choses que les monstres avaient placées là la veille, au plus sombre de la nuit et son corps explosa en hurlant. Elle retomba aux pieds du vieil arbre, mourante. « Grand-Père, dit-elle, j'ai tellement mal. » Alors le vieil arbre se pencha un peu et la prit dans ses branches, tout doucement de ses grands doigts feuillus. « Petite, lui dit-il à l'oreille, sois forte. Bientôt la douleur s'en ira, bientôt tu seras plus légère que le vent. N'aie pas peur, je suis avec toi. Il ne faut pas t’effrayer de ce qui s’en vient. Tu sais, la vie... » « Je sais bien que je vais mourir Grand-Père, dit la petite fille, ce n'est pas la peine, mais moi je voulais tellement voyager, voir le monde, être enfin libre et heureuse. C'est tellement injuste. » « Je sais, dit le vieil arbre, mais la vie est ainsi faite et la liberté, souvent à ce prix. Quand on accepte de partir lorsque notre heure est venue, on souffre moins. Bientôt tu seras avec nous tous qui t'aimons. » En entendant ces mots, la petite fille soupira faiblement et un sourire s'esquissa aux coins de ses lèvres. Il n'eut pas le temps d'éclore, la mort l'emporta. « Elle était morte et pourtant elle ne quittait pas les branches du vieillard. Grand-Père, dit la petite fille, je crois bien que je suis morte à présent et pourtant je ne vois personne de ma famille. Est-ce que je dois attendre encore un moment ? Est-ce que c'est ça le purgatoire ? » « Mais non mon enfant, chuinta le vieil arbre entre ses branches, toi tu passeras directement au paradis. Mais avant, j'ai un cadeau pour toi. Tu sais, depuis que je vis sur terre, depuis aussi longtemps que je me rappelle, alors même que je n'étais qu'un petit arbrisseau, j'ai moi aussi toujours rêvé de partir faire le tour du monde. Mais, tu en conviendras, ça aurait été bien difficile pour un arbre que de quitter ses racines. Alors je me suis lié d'amitié avec les nuages. Je les abritais parfois lorsqu'ils volaient bas et ils me contaient leurs voyages et moi je me voyais à Paris à Rome ou à New York. Les nuages sont de fameux voyageurs et ils sont mes amis, alors je leur ai demandé s'ils pouvaient t'emmener avec eux... et ils ont accepté. Tu prends le prochain coup de vent. » En disant ces mots les doigts feuillus frémirent, une brise se levait. La petite fille embrassa son Grand-Père de tout son cœur et lui la serra un moment encore dans ses branches. « Au revoir Grand-Père. Je reviendrai un jour me blottir entre tes bras et je te conterai tous mes voyages. » « Au revoir petite, je serai toujours là pour toi. » Alors la brise souffla encore un peu plus fort et c'est tout un train de nuages qui s'envola avec derrière, en queue de convoi, un tout petit nuage qui souriait, enfin libre de faire le tour du monde.
Bonnes gens, chers enfants, vous tous qui avez été touchés par cette histoire, lorsque vous rentrerez à la maison ce soir, regardez bien où vous mettez les pieds. Par bonheur, vous direz-vous, les monstres n’ont rien semé ici, je peux marcher tranquille. Alors levez le nez au ciel, le cœur en paix et si vous apercevez un petit nuage sourire au soleil qui se couche, souhaitez-lui bonne nuit de ma part, voulez-vous ?
|
| | | Auzelles
Messages : 4794 Date de naissance : 16/10/1949 Date d'inscription : 25/10/2017 Localisation : Entre Crau et Camargue
| Sujet: Re: L'historiette du jour... Lun 19 Fév - 8:07 | |
| L'historiette du jour : Quand je m'ai réveillé ce matin, j'étais mort de PecorileJe ne l'ai pas su tout de suite tellement ce matin semblait pareil aux autres, un matin ordinaire avec le jour qui pointe par l’entrebâillement des volets et par l’imposte aux vitraux colorés au-dessus de la porte. La lumière était là, bien visible mais pas les sons... Eux étaient inaudibles ! Les corbeaux qui d’habitude mènent grand tapage dans le marronnier et sonnent mon réveil, même eux étaient silencieux à moins qu’ils ne fussent déjà partis dans les champs. Je n’avais pas besoin de regarder l’heure pour savoir que l’Angelus allait bientôt sonner et qu’alors, au dernier coup, je me lèverais. - Lire la suite de l'historiette:
Le clocher est resté muet et moi je suis resté couché. Combien de temps ? La chambre était silencieuse, de plus en plus lumineuse et moi je regardais le plafond, la rosace autour du plafonnier à trois branches orientées l’une au Nord les autres à 120° l’une de l'autre, c’est moi qui les avais disposées ainsi, comme ça sans raison particulière. En fait, si ! Il y avait une raison : j’aime l’équilibre et l’harmonie, une bonne orientation est préférable au hasard et au vagabondage. C'est pourtant là que mon esprit s’engage vers une direction que j’ignore. Ordinairement au réveil je fais mon programme de la journée ou du moins je formule mes désirs, quitte à aménager par la suite. Là, je n’éprouve aucun besoin.
Étendu sur le dos je contemple le plafond et les trois branches du plafonnier, c’est toujours le silence.
Une mouche parcourt la branche sud-est et, après avoir choisi l’emplacement, pose sa fiente sans hâte. Sale bête ! Je devrais me lever et la chasser... hier je l’aurais fait ! Ce matin je regarde et c'est comme si je ne la voyais pas ! Je reste indifférent, je fais le mort. Elle ne s’y trompe pas et, nullement dérangée, excrémente à tout-va. Ses mouchetures luisantes rondement étalées signent la déchéance de mes bronzes dorés. Je hais les mouches, leur noirceur et leur culot. Je hais les mouches d’une haine futile qui ne les trouble pas. Sans le moindre scrupule et dédaignant mon ire elles souillent ma gloire et conchient mon empire.
Un empire assemblé avec peine, amour et dévotion n’appartenant qu’à moi et qui m’entoure.
Il fait grand jour au-delà des volets et des vitres colorées. Ici, dans la chambre, la lumière est moins vive mais elle baigne chaque objet : la commode victorienne pansue gardienne de mes chemises, caleçons et chaussettes ; la « toilette de marine » débarquée d’un des derniers grands clippers, dénichée chez un antiquaire, et dont j’ai fait ma « caverne d’Ali-Baba » ; la table de chevet avec sa lampe ; le valet de nuit aux vêtements soigneusement posés et la cheminée en marbre flammé gris-clair. Chaque surface plane est envahie d’une multitude de bibelots, toute une collection où dominent les photos encadrées, les statuettes et figurines représentant des oiseaux de toutes matières et couleurs. Une collection faisant le désespoir de « Celle » chargée de nettoyer ces « nids à poussière » et de les remettre ensuite soigneusement à leurs places. J’aime bien mes petits bibelots, à chacun s’attache un souvenir et je peux dire à coup sûr d’où et de qui il provient. Pareil pour les tableaux sur les murs, tous témoins de relations amicales avec leurs auteurs au temps où, avec « Elle », je fréquentais les milieux artistiques. On parlait constamment en faisant de grands gestes, en pointant du doigt, en prenant à témoin ; on admirait, on critiquait, on louangeait beaucoup ou on boudait un peu. On éreintait aussi : c’était la vie mondaine... pratiquée en amateurs sauvages, en nous amusant beaucoup.
Une vie ainsi reliée à des objets disparates, eux-mêmes rattachés à des personnes et des événements dispersés dans le monde.
Ma vie est là, étalée autour de mon lit et sur lui aussi dans la mesure où j’y suis étendu et qu’en basculant simplement la tête à droite et à gauche je pourrais la contempler d’un regard et la remercier de sa fidélité. Ma tête ne bouge pas, elle est braquée vers le plafond et je fais tourner mon kaléidoscope dans le silence. Toute ma vie, est-ce possible ? Cela n’apparaissait pas les jours précédents lorsque je sortais du sommeil. J’étais tout de suite pris par la préparation de la journée nouvelle avec les bruits du dehors en accompagnement de ma réflexion. Aujourd'hui l’engrenage n’engrène rien, le bruissement habituel accueillant mon réveil n’est pas ; tout est immobile et silencieux, ce n’est pas de l’hostilité ni de l’indifférence... C'est le calme absolu, la plénitude : Zen. Tout est à sa place, rien ne manque sauf cette vibration imperceptible à peine ressentie, hors considération, qui dans l’instant me manque terriblement ! Je ne l’ai pas perçu tout de suite mais maintenant le manque devient prégnant, insupportable... Ce qui passait inaperçu occupe soudain tout l’espace.
Quelle vibration ? Sur quel spectre ? À l’extérieur de moi ou en moi ? Peut-elle échapper à l’observation dans le déroulement normal du quotidien ? Elle n’aurait en ce cas pas d’importance et je n'ai pas à m’en soucier ! Les ondes voyagent dans l’Univers, dans l’Espace et tout autour de nous passant d’un corps à l’autre. Ce que l’on croit faire de soi-même c'est un autre qui l’accomplit : une main approche mon visage, sur les yeux...
Qui donc ai-je vraiment réveillé ce matin ?
|
| | | Auzelles
Messages : 4794 Date de naissance : 16/10/1949 Date d'inscription : 25/10/2017 Localisation : Entre Crau et Camargue
| Sujet: Re: L'historiette du jour... Mar 20 Fév - 7:49 | |
| L'historiette du jour : Le moment est venu de KleliaLe paysage défile sous un ciel gris et quelques gouttes lèchent le pare-brise. Mon fils conduit dans une bonne humeur contagieuse, partagée par son épouse, pour laquelle j’ai beaucoup d’affection. A l’arrière, mon petit fils de huit ans me fait la conversation tout en jouant à sa console. Sans avoir sa dextérité avec les nouvelles technologies, je me félicite de gagner occasionnellement quelques parties. Et il est fier d’avoir été un bon professeur. J’ébouriffe affectueusement ses épais cheveux bruns comme je le faisais avec son papa petit. Tout comme ses cousins, il est toute ma raison de vivre. Les enfants ont d’ailleurs été ma grande passion. Institutrice, j’adorais leur apprendre et échanger avec les parents sur leurs difficultés, leurs progrès, leurs réussites. Ils me manquent, alors je me rattrape avec mes petits enfants. - Lire la suite de l'historiette:
La pluie cesse et les nuages sont moins épais à mesure que nous avançons.
Je trouve cette décision hâtive. Après tout, ce n’était qu’un hématome sur le bras, rien de bien méchant. J’ai voulu éviter mon chat et j’ai chuté en ayant juste le temps de lancer un juron avant de toucher le sol. J’avais réussi à me relever sans trop de dégâts, à consoler mon matou effrayé et à rassurer ma petite fille qui avait été témoin de l’incident en direct par Skype. Sans cette satanée application, j’aurais pu ne rien dire. Mais elle a eu si peur pour moi que je préfère me persuader que le moment est venu. Cinq ans bientôt depuis le décès de mon mari des suites d’une longue maladie. Cette maison était de toute façon trop grande pour moi. Et puis, le soleil du sud devrait être une belle compensation selon eux, comparée à la monotonie du climat du nord que je connaissais depuis toujours.
Mon regard accroche un avion qui part vers d'autres contrées.
Ma vie a été une succession de bonheurs. Mes parents étaient de riches gens. Avec ma sœur, nous étions gâtées, toujours habillées à la dernière mode, des vacances à l’étranger, des Noël généreux et surtout des assiettes abondamment remplies. Et quand j’ai rencontré mon futur époux, à un de ces fameux bals populaires, le rêve s’est prolongé. Un homme attentionné, de belles toilettes, des voyages autour du monde, un métier dans lequel je m’épanouissais. Mais avant tout, deux magnifiques enfants et leurs lots de joies, telles que l’obtention de leur diplôme ou la naissance des petits-enfants, et de terribles inquiétudes, à l’image de la forte fièvre de notre ainé ou de la violente agression de notre fille. Ma vie a été trépidante, jusqu’au diagnostic du médecin qui m’a dicté mon ultime grand devoir, celui de l’accompagner. Mission accomplie avec courage, dira mon entourage. Dévouement par amour, leur répondrai-je.
Le bleu s'impose et les rayons du soleil chauffent mon visage.
Alors même si la solitude est pesante, j’avais la chance d’être bien entourée et très occupée par les nombreux repas entre amis, le cercle de lecture et le club informatique de ma ville. Encore capable de conduire, je jouissais d’une précieuse liberté. Heureusement, car mes enfants, aspirant à une meilleure qualité de vie, s’étaient éloignés de moi. Ils avaient fuis tout ce que mes souvenirs avaient tant affectionnés. Je ne leur en voulais pas, leur bonheur me suffisait à comprendre leur choix. Et c’est encore le cas aujourd’hui. Loin d’être enchantée, je me suis faite une raison. Et un long trajet de huit heures aide à la réflexion. Je suis sociable, rigolote et prête à conter de nombreuses anecdotes à qui veut les entendre. Par expérience, je sais que c’est un mélange imparable pour faire de nouvelles rencontres, qui auront également beaucoup à m’offrir. Toutes les personnes âgées ne perdent pas leur joie de vivre en y entrant. C’est simplement un autre ailleurs, où le vécu des pensionnaires et leurs souvenirs sont les bienvenus.
Le ciel est maintenant d’un bleu pur et le soleil m’éblouit à travers la vitre.
Soudain, l’absence de bruit me sort de mes pensées. Nous sommes enfin arrêtés devant une belle demeure, qui est censée être ma dernière. Ma fille, son conjoint et leurs trois enfants sont déjà là. Quand je sors du véhicule, aucun ne se permet de venir troubler ce moment de découverte qui n’appartient qu’à moi. Je scrute d’un œil critique et attentif les allées clairsemées, les arbres immenses et le somptueux bâtiment digne d’un château. Et le sourire qu’arbore mon visage traduit ma satisfaction. Grâce à une pension de retraite confortable, ce luxe est mien. Par peur, je n’avais jamais envisagé cette solution. Apparemment, eux si. Ils sont soulagés et je les remercie déjà. Finir mes jours dans ce cadre magnifique et voir grandir mes petits enfants est une bénédiction. De longues embrassades ponctuées de larmes s’ensuivent. Nous sommes désormais réunis. Nous rejoignons tous ensemble le magistral escalier sur lequel le directeur de l’établissement m’accueille après avoir respecté l’intimité de nos retrouvailles familiales. Une poignée de mains énergique, un franc sourire, il m’invite à pénétrer dans le grand hall d’entrée.
— Si vous voulez bien me suivre Madame, je vais vous montrer vos appartements.
Vos appartements a-t-il dit ? Un bon début ! Curieuse et impatiente, j'emboîte expressément le pas à cet homme distingué, sous les regards amusés de ma famille. A droite, des enfants courent dans la salle de repos, à gauche, des rires s’élèvent à travers une porte. Tout autour, une douce mélodie flotte dans ce couloir baigné d’une vive clarté. Et la visite de mon nouveau domicile tient toutes ses promesses. Je suis conquise.
Dans une ambiance loin de celle d’un hospice, ma nouvelle vie commence sous les meilleures auspices !
|
| | | Auzelles
Messages : 4794 Date de naissance : 16/10/1949 Date d'inscription : 25/10/2017 Localisation : Entre Crau et Camargue
| Sujet: Re: L'historiette du jour... Mer 21 Fév - 6:49 | |
| L'historiette du jour : L'homme à l'oiseau de Charlette« Regarde, on dirait qu’il est vivant. J’ai eu peur... J’ai cru que quelqu’un surveillait la galerie. » L’homme à l’oiseau entendait régulièrement ces commentaires, ou des variantes. Les visiteurs se ravisaient. Ils ricanaient. « Je suis bête » ou « tu es bête ». « C’est une sculpture de L. On l’avait vue au printemps, dans un château. Tu te souviens ? C’était superbe. » « On dirait du Camille Claudel. Pas la manière, mais la force. » Parfois, le promeneur ne connaissait pas la sculptrice. Parfois, il n’aimait pas son travail. Mais la surprise, le sursaut et le soulagement étaient identiques. - Lire la suite de l'historiette:
Le bruit mat de la porte et la dernière tonalité de l’alarme se firent entendre. L’homme à l’oiseau se leva de son tabouret. Il déambula entre les socles. Il réajusta quelques cadres de guingois. Il savourait le silence. Pendant les horaires d’ouverture, la galerie bruissait de conjonctures : « Elle doit être torturée la sculptrice quand même, pour faire des personnages pareils » ou encore « Elle a dû beaucoup voyager. Je suis sûre qu’elle a été en Afrique. On sent l’inspiration tribale. Elle est peut-être africaine d’ailleurs... C’est quoi son nom déjà ? » Des curieux se demandaient à quelle époque l’homme oiseau appartenait. XXIe siècle ? Préhistoire ? Moyen-Âge ? « On se croirait dans Game of Thrones ! » ou « Il ne te fait pas passer à Avatar ? ».
Certains s’interrogeaient sur la technique : « Comment parvient-elle à les faire cuire ? », « Quelle est la taille de son four ? », « Comment peut-elle se passer de structure ? ». Les céramistes en herbe s’échangeaient des conseils, des astuces. Ils tentaient de disséquer la recette. Ils débattaient de fournisseurs et de degrés Celsius.
Les plus téméraires touchaient l’homme à l’oiseau. Ils effleuraient ses doigts fins, ses paupières closes et son nez un peu fort. Ils caressaient le col de sa chemise. Les enfants lissaient le plumage du volatile. Ils avaient envie de lui confier leurs secrets. Les parents des bambins surgissaient rapidement. Ils faisaient reculer leur progéniture. Leur œil inquiet était tourné vers la galeriste. « On ne touche pas, on regarde ». Ou son équivalent : « On touche avec les yeux, on a dit. » Mais l’homme à l’oiseau se devait d’être honnête. Il était aussi témoin de l’indifférence : « Est-ce que tu crois qu’ils ont des toilettes ? ».
Les doigts musclés de L. avaient longtemps malaxé l’homme à l’oiseau. Ses souvenirs étaient précis. L’argile avait pris vie, boudin de terre après boudin de terre. Le geste était ferme, puissant. L’homme à l’oiseau en portait les empreintes. Il aimait ses marques. Il se rappelait aussi du tour de potier, des briques de l’atelier et de l’agacement de l’artiste lors des visites. « Je travaille. »
En le massant, L. lui avait parlé de sa famille, de sa tribu. Elle lui avait décrit les transhumances, les traversées. Les chariots avançaient lentement. Ils transportaient des hommes, des femmes, des enfants et, de temps en temps, quelques poules ou un chien au flanc maigre. La tribu s’agrandissait sans cesse. Adam, aux galoches usées, jouait de l’accordéon. Il fumait une cigarette, le regard au loin. Sara caracolait sur le dos d’un cochon à la panse ventrue, sous le regard d’Esther qui ramassait des fruits, une corbeille en osier sur le dos. Les voyageurs n’emportaient que quelques accessoires usuels. Ils ne s’encombraient jamais. Ils n’avaient pas ce luxe. La sculptrice avait aussi évoqué le patriarche. Il marchait en tête et il menait le groupe inlassablement. La destination importait peu. Seul le cheminement avait de l’importance. Être en mouvement. Ne jamais s’arrêter.
L’homme à l’oiseau avait aussi entendu des contes et des légendes. Ils étaient échangés par la tribu, regroupée autour du feu. Il était question de malédictions, de chamans et de faunes. Certains prétendaient avoir croisé ces êtres mi-homme, mi-bête. D’autres se remémoraient des histoires de diables, d’envoûtements et de potions. Ces fables avaient été répétées de nombreuses fois. Les rebondissements et les dénouements étaient éventés depuis longtemps. Mais la tribu écoutait avec plaisir. Les mots du conteur la berçaient. Les péripéties la rassuraient.
Les nomades étaient partis de la galerie depuis plusieurs mois. Ils manquaient à l’homme à l’oiseau. Il n’avait rien à échanger avec les individus en bronze, planqués derrière une vitrine. Il s’en méfiait, même, depuis qu’il avait surpris cette bribe de dialogue : « Moi je préfère le bronze, c’est du solide. C’est de la vraie sculpture. Avec une côte sûre. Laissons la terre aux potiers et aux bonnes femmes... » Ce n’étaient pas les seuls arguments des détracteurs de L.. « Ses mains sont un peu disproportionnées, quand même. Et ses pieds. Tu as déjà vu des pieds pareils ? Digne d’une créature de Frankenstein. La sculptrice pourrait prendre des cours d’anatomie. Franchement. Et on l’expose. C’est un scandale. ». Il y avait aussi le lapidaire, mais sans appel, « Je ne pourrais pas vivre avec ». Parfois, l’interlocuteur complétait : « C’est clair. T’as vu leurs trognes ? Un vrai musée des horreurs. Un nid à cauchemars. On y va ? »
Le bruit mat de la porte et la tonalité de l’alarme se firent entendre. L’homme à l’oiseau soupira. Il lança un regard noir aux bronzes et regagna son tabouret. Une nouvelle journée commençait à la galerie.
|
| | | Auzelles
Messages : 4794 Date de naissance : 16/10/1949 Date d'inscription : 25/10/2017 Localisation : Entre Crau et Camargue
| Sujet: Re: L'historiette du jour... Jeu 22 Fév - 7:24 | |
| L'historiette du jour : Il est minuit de Eddy RiffardCe qui constituait jusqu’alors un simple bruit de fond devenait assourdissant. La cacophonie des grenouilles s’accompagnait de loin en loin de l’appel lugubre d’un oiseau tandis qu’un sifflement désagréable écorchait les oreilles. Au diable si les deux hommes savaient de quel animal il provenait. Toute la faune nocturne de la Louisiane semblait se déchaîner. Le bayou conservait son aspect de miroir sombre que rien ne troublait. Les disparitions mystérieuses s’étaient accumulées ces dernières années dans cette région de l’Acadiane, ce qui alimentait toutes sortes de rumeurs. Jeff et Norman s’attendaient presque à voir émerger une quelconque créature visqueuse et dégoulinante de ce cloaque dans lequel ils pataugeaient. De fait, les formes de vie abondaient par ici. De multiples bruissements agitaient la végétation tandis que des animaux invisibles crevaient la surface de l’eau en grand nombre. À travers les appels massifs des grenouilles perçaient des bruits de remous, comme si de plus grosses bestioles se ruaient dans le bayou. - Lire la suite de l'historiette:
Avancer dans ce marécage demandait une concentration de tous les instants. Les pieds chaussés de hautes bottes de caoutchouc s’enlisaient dans une boue noire gorgée d’eau. Les en retirer ne s’accomplissait qu’au prix d’un effort de traction mille fois répété. Les traces de pas se remplissaient d’une eau croupie, futur point de ponte des moustiques qui virevoltaient en essaims au-dessus des eaux stagnantes. Le faible courant entraînait le liquide chargé de choses ignobles vers le golfe du Mexique, mettant à jour un enchevêtrement de racines infranchissable en certains endroits.
L’objet de leur quête apparut après un ultime méandre. Comment pouvait-on habiter ici, sans le moindre confort ? C’était une des singularités de la Thibaudault. À Cameron, on murmurait cette métisse sans âge versée dans les pratiques vaudou. Toujours est-il qu’elle exerçait une grande influence au sein de cette communauté de Cajuns dont elle était la doyenne. Les autres membres de ce groupe humain aussi conservaient leur part de mystère. On ne les voyait apparaître en ville qu’en de rares occasions, une ou deux fois dans l’année en fait, lorsqu’ils venaient acheter en gros tout ce qu’ils ne pouvaient tirer des marécages. À contempler cette zone désolée, il était difficile d’imaginer de quoi ils subsistaient, mis à part la chasse et la pêche. À moins qu’ils ne mangent les grenouilles, en ce cas, ils pouvaient faire bombance chaque jour. Ce sont plutôt les serpents et les alligators qui inquiétaient les deux compères, la nature des bruissements alentour n’en devenait que plus angoissante, d’autant qu’ils devaient s’abstenir de faire usage de torches électriques. Heureusement, les plus gros prédateurs restaient en théorie dans le bayou et sur les berges.
La maison de la Thibaudault se dressait maintenant à une dizaine de mètres. Aucun chien ne se manifestait. À la clarté froide de la lune, la bâtisse de bois prenait des allures spectrales. Les deux complices échangèrent un bref regard chargé d’appréhension. Les fenêtres ne laissaient filtrer aucune lumière. Seul le coassement des grenouilles donnait un semblant de vie aux lieux. Les deux hommes finissaient par s’y habituer et c’est d’un cœur plus léger qu’ils entreprirent de crocheter la porte. La serrure d’un modèle dépassé n’offrit qu’une résistance symbolique. Restait à dénicher ce fameux trésor en or et bijoux dont la rumeur faisait état avec persistance. Le faisceau électrique de leurs lampes réduit au maximum, les deux complices explorèrent la pièce pauvrement meublée pour ne découvrir que des vieilleries et des objets utilitaires. Peut-être le magot se trouvait-il dans la chambre à coucher, située du côté opposé, derrière un simple panneau coulissant percé de trois vitres dépolies. Dehors, un oiseau inconnu commença à pousser une série de plaintes mélancoliques.
L’occupante des lieux gisait sur le ventre, le visage dissimulé par ses longs cheveux noirs. En un instant, elle fut bâillonnée et ses mains ligotées dans le dos à l’aide d’une cordelette. La fouille de la chambre ne donna rien. Pas le moindre objet de valeur, la plus petite pièce de monnaie. Les rumeurs qui couraient la ville se révélaient sans fondements. Restait à oublier toute l’affaire. Il ne manquerait plus qu’ils se fassent surprendre par les autres membres de la communauté. D’après ce qui s’en disait, mieux valait éviter de les rencontrer. Pour l’heure, les lieux demeuraient paisibles. Trop peut-être. — Tu n’entends rien ? — Non. — Justement, les grenouilles... On ne les entend plus.
Les batraciens s’étaient tus, communiquant leur silence de proche en proche, jusqu’aux limites d’une zone bien déterminée dont la maison constituait le centre parfait. Les marais baignaient dans un calme quasi surnaturel. L’absence de bruit se doublait d’une totale immobilité de l’air. Pétrifiés, les deux hommes perçurent un son ténu qui se transforma en un clapotis toujours plus proche. Une trentaine de Cajuns finirent par les encercler. Les armes blanches dont ils étaient munis renvoyaient leur éclat métallique à la lueur des lampes. Bientôt, deux nouveaux corps rejoindraient les dizaines qui pourrissaient dans les fondrières.
|
| | | Auzelles
Messages : 4794 Date de naissance : 16/10/1949 Date d'inscription : 25/10/2017 Localisation : Entre Crau et Camargue
| Sujet: Re: L'historiette du jour... Ven 23 Fév - 6:18 | |
| L'historiette du jour : L'amour dans les mains d'un répondeur de Benadel« Belle inconnue, bonjour ! Je vous ai aperçue il y a peu de temps. Je rentrais de mon travail entre chien et loup. Le train était bondé, et vous vous teniez à quelques pas de moi. Vous me paraissiez si sombre et si lumineuse à la fois. Je vous imaginais à travers vos cheveux d’ébène reflétant des brindilles d’amour calciné, mais je vous envisageais aussi à travers vos yeux de biche, d’un noir profond, diffusant une passion étoilée. Comme le soleil s’apprêtant à darder ses rayons sur la lune, votre fureur se préparait à percer l’ombre amoureuse lorsque vous avez sorti votre portable de votre sac. - Lire la suite de l'historiette:
Sur un ton réprobateur, vous avez dit à votre interlocuteur qu’il ne fallait pas confondre le commerce et le cœur. Vous étiez prête à lui vendre votre voiture et lui avez demandé s’il était disposé à s’aligner sur votre prix. Puis, prenant une voix envoûtante, vous lui avez prié de vous donner de ses nouvelles en laissant un message sur votre répondeur, car vous partiez le soir même en vacances, et votre portable n’avait pas de boîte vocale. Lorsque je vous ai entendue lui donner le numéro de votre téléphone fixe, l’espoir de servir vos ardeurs vrombissait dans ma tête comme un essaim de cupidons. Je vous avais observée durant toute la conversation. Votre emportement faisait frémir sensuellement les narines de votre petit nez en trompette. Vos lèvres semblaient palpiter comme la fleur au creux de vos reins. Votre oreille ornait élégamment, tel qu'un col de dentelle, votre téléphone bleu. Votre main si délicieusement féminine relevait gracieusement une mèche rebelle s’agitant sous le vent coulis. Devant tant d’attraits, je désirais enfouir ma tête dans le creux de vos seins, et boire la sève montant de vos reins. Le courant d’un désir m’amène vers vous. Sans crainte d’échouer contre votre réprobation, je me laisse emporter comme un rêveur au fil de l’eau. Sachant que vous ne m’écoutez pas, ma présente déclaration flotte sur un espoir voluptueux qui s’évanouira ou prendra corps au fond de votre oreille. Rappelez-moi au plus vite au vingt, cent neuf, trente-et-un. Entendez aussi par là : mon appel n’aurait pas été vain, si du sang neuf me mettait sur mon trente et un. Votre beauté sanglote en moi, elle me fait trembler. Dans l’attente de votre coup de fil, la divinité que votre allure et votre expression inspirent m’aidera à traverser le couloir d’une attente interminable. Je ne sais si dans le chaudron de vos amours un autre amant bout déjà. Si tel devait être le cas, mes paroles galantes se consumeraient avec joie sur le couvercle de votre cœur en feu. De leurs cendres renaîtraient, j’en suis certain, d’autres mots enflammés échauffant alors l’amante à moi consacrée. Je ne vous embrasse pas car, vos appas ne m’entourant pas, mon baiser risque de ressembler à un amuse-bouche qui laisse le pique-assiette sur sa faim. »
|
| | | Auzelles
Messages : 4794 Date de naissance : 16/10/1949 Date d'inscription : 25/10/2017 Localisation : Entre Crau et Camargue
| Sujet: Re: L'historiette du jour... Sam 24 Fév - 6:36 | |
| L'historiette du jour : Le lierre de AtoutvaC'était pour se protéger. Elle avait fini par l'admettre. Il fallait un mur pour se protéger. Oh, elle ne risquait sans doute pas grand chose dans ce petit pays où il ne se passait jamais rien à part la fête paroissiale ou les kermesses communales. Mais on ne sait jamais. Alors, elle avait laissé le mur se monter, monter. Un long mur, bien haut et tout gris. Tout gris. Ce n'était pas une couleur, ça ! La prairie pullulait de vert tendre troué du blanc rosé des pâquerettes ou du jaune des boutons d'or. La prairie était beaucoup plus gaie. - Lire la suite de l'historiette:
Après la prairie commençait le potager. Les fleurs jaunes des courgettes, les fruits rouges des tomates, le vert tendre des salades, les fleurettes blanches des pommes de terre, les gousses violettes des haricots, le vert foncé du persil aux feuilles découpées, le panache des carottes, les nervures violettes des betteraves, oui, le potager était lui aussi plus agréable à regarder que ce long mur gris. Quant au jardin d'agrément ! L'œil était ébloui par tous ces coloris lumineux qui se mélangeaient au gré de la brise. Corolles découpées, trompes évasées, palette de roses, de rouges, de bleus, de violets. Oui, devant cet embrasement floral, il ne restait plus au mur qu'à se cacher de honte. C'est d'ailleurs ce qu'il fit. Il laissa un brin de lierre s'installer placidement à ses pieds et le protégeant des intempéries, pluie et soleil réunis, il lui permit de grandir, de grossir, de s'étoffer, bref, de s'étaler. Dans ces conditions, se sachant accepter sans condition, que fit notre lierre ? S'aidant de la moindre rugosité de notre mur, il se développa bien naturellement, et de plus en plus ostensiblement ! Du vert, c'était plus gai que du gris ! Racines, radicules, radicelles, stolons, le lierre s'en donnait à cœur joie. Sous terre, il courait, courait, se ramifiait, se ramifiait. En surface, il s'étalait, s'étalait, grignotait, grignotait toujours un peu plus du mur. Le lierre se développait toujours un peu plus loin un peu plus haut. Peu à peu, le mur croulait sous ce vert toujours plus vorace qui, cherchant toujours un peu plus d'espace vital à avaler, lorgnait déjà la prairie, le potager et même le jardin d'agrément. A présent, le mur geint, gémit et se lamente, se fendille, se fissure et s'effondre sous ce vert qui le recouvre et l'accable. Mais déjà, il ne suffit plus au lierre à jamais insatiable. Le lierre court et s'étale toujours plus loin. Il s'agrippe et s'accroche et se fixe, il grignote et dévore. Et il avance à pas de géant à travers la prairie, recouvrant l'herbe fine et la fleurette blanche ou jaune. Mais déjà, la prairie est trop petite pour lui et il ne peut s'arrêter là. Il lorgne le potager qu'il atteint déjà. Il lorgne le jardin d'agrément dans lequel il avance sous une poussée inexorable, avec la volonté farouche de tout avaler. Alors il se développe et grandit et croit et rampe et progresse ; il avance et glisse, se faufile, et marche et court, accroche ses stolons, s'agrippe, s'accroche dans la terre molle trop stupéfaite pour réagir. A présent il n'y a plus de fleurs, corolles, panaches, nervures, plus de feuilles dentelées, vert tendre ou violacé, ni plus d'herbe. A présent, tout n'est plus que lierre dévorant au milieu duquel elle n'est plus protégée mais noyée. Alors elle aussi, lierre parmi le lierre, elle avance, poussée inexorablement en avant sans savoir ce qu'est ce devant, sans savoir jusqu'où, sans savoir jusqu'à quand.
|
| | | Auzelles
Messages : 4794 Date de naissance : 16/10/1949 Date d'inscription : 25/10/2017 Localisation : Entre Crau et Camargue
| Sujet: Re: L'historiette du jour... Dim 25 Fév - 7:13 | |
| L'historiette du jour : L'ami imaginaire de Mandy RukwaC’est sous la table de la cuisine que j’ai vu Jesse la première fois. Il me semblait plus petit que moi quoique nous ayons la même taille. Lui n’avait peur de rien jusqu’à ce jour où maman décide de vendre la maison. On va aller ailleurs, ça sera mieux, on n’a plus les moyens tu comprends ça ? Ton père nous a laissées sans le sou tu entends ? Tu m’écoutes ? Lorsqu’elle crie mes oreilles se remplissent de sable. Je me suis cachée sous la table et c’est là que j’ai vu Jesse. Tu as peur toi aussi ? Il hoche la tête. Il me prend la main et m’explique doucement que les mamans crient souvent pour ne rien dire et que c’est à ça qu’on les reconnaît, les mamans. - Lire la suite de l'historiette:
Quand je traverse la rue pour aller à l’école maman hurle « Fais attention... regarde à droite, regarde à gauche... » Ça ne rate jamais. Du coup les autres mamans aussi. Pourquoi elles font ça d’après toi ? Je crois que c’est pour dire, cette fille-là est à moi comme pour le chien ou le chat ou la voiture. Elle est à moi j’en fais ce que je veux même et surtout si elle n’est pas d’accord. C’est ma chose à moi. Mon truc muche machin. Mon jouet vivant rebelle. Depuis que Jesse est là je me sens indestructible, c’est le gros qui dit ça : — Elle est indestructible ta fille, quelle pêche, putain ! Le coup de fouet ne lui a rien fait, pas une larme, rien. Je crois qu’elle est dingo, à parler toute seule comme ça sous la table, dis-moi pas que c’est normal ! C’est du chiendent je te dis, de la graine d’épineux ! — Laisse-la tranquille, elle n’est pas dingo juste un peu bizarre, c’est depuis qu’il nous a plantées. C’est facile de se tirer à dix pouces sous terre en laissant femme et enfant. Quel égoïste ! Le gros c’est le mari de maman, il pue le vin et la sueur. Il a du sang sur la chemise. Il est boucher. Maman me dit de l’appeler papa mais je refuse. Mon papa à moi il était gentil, il me parlait tout doucement et m’inventait une histoire chaque soir. Il est tombé du camion et n’est jamais revenu. Il paraît qu’il nous a laissé tomber, il m’aurait jamais fait ça mon papa. Je crois qu’il est mort. Jesse est d’accord avec moi sur ce point. Jesse et moi, on partage les mêmes jeux et on se raconte tout sous la couette. A l’école, on partage la même chaise et le même cartable. Quelque fois Jesse est assis par terre, c’est triste, il n’arrive pas à travailler comme il faut. Tout le monde fait comme s’il n’existait pas. La maîtresse est sans arrêt à me gronder : « Assieds-toi comme il faut Cécile, tu vas tomber ! » ou « tu vas devenir bossue... » La maîtresse elle fait comme si Jesse n’existait pas. De toute façon, les grands ne comprennent jamais rien. Ils crient sans arrêt surtout quand ils ont peur. Et maman a peur que le gros la plaque c’est pourquoi elle me crie après. Quelque fois il vient me chatouiller la nuit, il a une drôle d’odeur. Alors on fait semblant de dormir. Un jour on partira très loin. J'sais pas quand ni où. Mais loin, loin. Pour le moment je discute avec Jesse sous la table de la cuisine. C’est bête que papa soit parti parce qu’à nous trois, on aurait fait une sacré équipe ! Tu viendras avec moi hein Jesse ? — Qu’est ce qu’elle raconte encore ta guignolette de fille ? — Fous-lui la paix... — Je te dis qu’elle est barge, elle cause toute seule... !
|
| | | Auzelles
Messages : 4794 Date de naissance : 16/10/1949 Date d'inscription : 25/10/2017 Localisation : Entre Crau et Camargue
| Sujet: Re: L'historiette du jour... Lun 26 Fév - 9:26 | |
| L'historiette du jour : Il n'est de désert qui, un jour, ne refleurira... de BrumelleDe ce plat pays qui fut le mien, j'ai gardé le goût des mirabelles dorées marquant la fin de nos étés. C’est là que j’ai grandi avant qu’un homme ne m’emporte au loin. Dans ce petit village lorrain, nous ne savions pas comment était la vie ailleurs. Ici, au quotidien, elle était rythmée par l’angélus du matin et celui du soir. Entre les deux, il y avait le pas lourd des vaches rentrant à l’étable. - Lire la suite de l'historiette:
Le repas familial laissait la radio évoquer le monde mais il était tellement loin de nous ! La vie naissait dans les maisons. Les dames catéchistes saluaient, d’une croix ivoire enrubannée de bleu ou de rose, l’arrivée du dernier né. Le temps passait avec l'eau bénite du fond baptismal, la première montre de communion et les dragées jetées devant les jeunes mariés sortant de l'église. La croix posée devant la porte d’une demeure marquait un prochain départ vers la dernière. Un jour j’ai eu vingt ans et je voulais partir loin de mes racines : « Le monde m’appartient, je ne veux pas de cette vie-là ! » Le lendemain exactement, il était à la sortie d'une gare. Je me suis arrêtée une seconde, puis une éternité. Je n'imaginais pas qu'on puisse s’aimer aussi longtemps ! C'est dans son laboratoire de photographies que je l'ai rejoint. Sur papier blanc, au fond des bains révélateurs, mon corps nu apparaissait progressivement... Puis nous avons eu trente ans : lui au printemps, moi en automne. Le monde n'était plus à moi depuis longtemps, mais il était à nous ! Je le suivais jusqu'au bout de ses objectifs qu’il braquait dorénavant sur la nature. Notre vie était pleine des valises qui se faisaient et se défaisaient au rythme de nos rendez-vous dans les gares, les hôtels, les aéroports... Les formes et les lumières saisies s'accumulaient au creux de carrés blancs classés par thème dans des pochettes. Une série s’en allait parfois, le temps d’illustrer quelques pages d’un magazine. Nous étions heureux mais l’enfant que nous désirions se faisait attendre. Et quand une voix, parcourant un lourd dossier, l’a désigné comme le « coupable », j’aurais tout donné, absolument tout, pour l'être à sa place. Deux portraits de lui me hantaient : l'un, en noir et blanc, l'été de ses trois ans tandis qu'il observait intensément une fleur. Le second, en couleurs, réalisé trente ans après. L’homme, dans son corps d’adulte, captivé par un insecte, était exactement dans la même position. Il avait conservé dans son regard et son attitude l'émerveillement de l'enfant qu'il fut. Cet homme-là, je l’aimais. Je trouvais injuste que la nature, dont il célébrait la beauté, le prive du bonheur de voir naître et grandir un enfant, le sien. Cette année-là, des pluies exceptionnelles ont réveillé des millions de graines enfouies dans le sol d’un désert lointain. Les collines déroulaient des tapis denses de fleurs multicolores. De ce « jardin des dieux », il avait extrait ses plus beaux tableaux. « Il n’est de désert qui, un jour, ne refleurira... » Le titre de l’article soulignant ces images m'a accompagnée pendant un autre voyage, étrange, que nous avons entrepris. Nous avons eu vingt ans ensemble une seconde fois. Cela faisait deux décennies exactement que nous nous étions rencontrés ! J’avais eu quarante ans la veille. Double anniversaire dans le « meilleur des mondes ». Nous avions rêvé de faire nos enfants sur le sable rouge des immensités désertiques que nous aimions, mais nous étions égarés dans l’univers aseptisé des éprouvettes. Je frissonnais dans une chemise de papier à la sortie d'un bloc opératoire. Il m’attendait et de loin, les doigts levés, il m’annonçait sur combien d’espoirs nous pouvions compter. L'un d'eux s'est annoncé un peu plus tard dans les courbes serrées en noir, blanc et gris d'un document confirmant qu'un enfant allait peut-être naître. Après du sang, des larmes et des doutes, les appareils photos ont fini par attendre notre fils à la sortie... Son père allait du modèle à ses objectifs, ébahi face à ce petit d’homme. Nous sommes ainsi devenus trois dans une campagne reculée, là où la nature dessinait des moutons dans les champs et dans le ciel. Nous mettions de la lumière dans les yeux de notre petit prince en lui racontant le monde. Sous un vol d’oies sauvages marquant l'arrivée d'un de nos hivers, il a regardé notre bambin disant : « Nous sommes tellement heureux que ça me fait peur parfois... » Sa crainte c’était de ne pouvoir s’empêcher de repartir : un gamin c’est lourd dans des bagages ! Et une autre femme, c’est déjà un nouveau voyage... Le panneau du grand cerisier « Ici on protège la nature » a été remplacé par un autre, « Maison à vendre ». J’ai épongé les larmes de mon enfant et j’ai refermé le grand portail : nous n’étions plus que deux ! Pendant les vacances de mon fils, j'ai quitté ma quatrième décennie seule, au creux des montagnes. Dans mon nouvel appartement, vide, enroulée dans une couverture, j’avais froid ! Sous la fenêtre découpée dans le toit, j’ai regardé les derniers reflets du soleil éclairant le ciel. Un avion a tracé un long trait blanc sur les années écoulées et la lune a mis un point final à son trajet. Ce soir-là, la nuit a tiré son rideau d’étoiles sur l'arrivée de mes cinquante ans... Il me restait un enfant à accompagner vers sa vie d'adulte. La porte s'est refermée quelques années plus tard sur un adolescent partant joyeusement vers son avenir. Je l'ai retrouvé un jour, transformé en homme, dans une gare où nous avions rendez-vous. Hasard des calendriers, j'avais eu soixante ans la veille... Tandis qu’il s’approchait, une image refaisait surface : celle d’un homme vu pour la première fois le lendemain de mes vingt ans. Il ne s’est pas attardé, il avait tant à faire ! Après un dernier signe de la main, il s’est éloigné à grands pas. Dans la brume enrobant ce jour de novembre, le soleil soulignait la silhouette d’une jeune fille qu'il rejoignait au pied de l’escalier de la gare. J’ai voulu m'emparer de cet instant, puis, j'ai rangé mon appareil photo... Cette histoire n’était plus la mienne.
|
| | | Auzelles
Messages : 4794 Date de naissance : 16/10/1949 Date d'inscription : 25/10/2017 Localisation : Entre Crau et Camargue
| Sujet: Re: L'historiette du jour... Mar 27 Fév - 8:30 | |
| L'historiette du jour : Accro de RaginelChez nous, repas traditionnel de fin d’été entre amis. Midi trente, les premiers arrivent. Pas le temps de finir ma page. Je pose mon livre pour aller ouvrir. Apéro rapide, puis le repas commence. Sylviane sort son portable. Elle cherche une adresse. Rémi montre la vidéo de son chien qui aboie après le facteur, ou l’inverse, je ne sais plus. Mathilde trouve ça tordant. Elle prend sa tablette et filme la réaction de Serge en train de visionner la vidéo. La fille de Jean envoie un SMS à son père qui lui répond. Sylviane trouve le rôti « d’enfer » : photo ! Sonnerie sur ma droite. La fille de Rémi lui demande s’il a montré la vidéo du chien. Je quitte la table. - Lire la suite de l'historiette:
Quand je reviens, Rémi regarde la météo, pas par la fenêtre, sur son Iphone. Sylviane montre ses photos à ma femme. Serge passe un « level » à Mathilde qui bloque dessus depuis des semaines. J’ouvre mon bouquin et reprend ma lecture. Les visages se tournent vers moi. Mathilde m’interpelle :
— Si tu t’emmerdes, tu n’as qu’à le dire ! — Oh, pardon ! Ne le prenez pas personnellement. C’est juste que... je n’arrive pas à décrocher. Au lit, dans les transports, aux toilettes... Je ne peux pas m’en empêcher.
Incrédulité de tous. Concours de mâchoires affaissées. Pour un peu, Rémi en laisserait tomber son Iphone.
— Vous ne connaissez pas votre chance de ne pas être accro à ce truc-là !
|
| | | Auzelles
Messages : 4794 Date de naissance : 16/10/1949 Date d'inscription : 25/10/2017 Localisation : Entre Crau et Camargue
| Sujet: Re: L'historiette du jour... Mer 28 Fév - 7:20 | |
| L'historiette du jour : Elle me caresse le coeur avec la langue de Vincent LahouzeElle m’a dit, à l’oreille, (je t’offre mon cul pour le nouvel an), je l’ai trouvé tellement belle dans sa jupe en cuir, j’avais encore la bouche pleine, j’ai avalé de travers. Elle m’a dit ça comme ça, en chuchotant à table, entre deux toasts au saumon, entre deux verres de champagne, le sol était poisseux, un invité avait encore renversé un verre. - Lire la suite de l'historiette:
Son mari m’a jeté un regard, il m’a dit, (je te ressers à boire, tu ne reprends pas ta voiture, tu dors ici ce soir). Sous la table, il y avait la main de sa femme qui remontait le long de ma cuisse. Alors j’ai dit, (OK si vous voulez.) Pendant que le mari dansait avec la voisine, sa femme m’envoyait des textos, je voyais ses yeux bleu gris briller, il y avait ses doigts qui caressaient le clavier, j’attendais qu’elle fasse vibrer mon cœur. (J’ai envie de toi.) Toujours le même message depuis des mois. Parfois elle rajoutait un petit smiley de diable, je lui envoyais une aubergine, elle ne comprenait pas, ça nous faisait rire comme des mômes de 20 ans. J’ai répondu, (dans 10 min, dans ta douche.) Elle s’est levée, sans bruit, superbe dans sa jupe en cuir moulée, elle avait un chemisier aussi rouge que ses pommettes. Mais j’ai vu ses doigts qui s’agitaient sur son écran tactile, (dans 10 min, dans ma bouche.) Elle a rajouté un smiley qui tire la langue, j’aimais bien son sens de la répartie à Marie-Christine, quand même. Son mari continuait de danser frénétiquement avec la voisine sur ce qui semblait être le tube de l’été, le pauvre était complètement à côté du tempo. La chanson disait Despacito, pourtant. Je me suis dit en le regardant que je préférais prendre le temps à contre-pied que prendre mon pied à contre-temps puis j’ai rejoint sa femme à l’étage.
Il était bientôt minuit, elle m’offrait son cul pour la nouvelle année, je me devais d’être à l’heure, pour une fois.
Allongée dans la baignoire, Marie-Christine me caresse la poitrine en reprenant son souffle. Elle me dit, (je crois que mon mari me trompe avec la voisine), je ne peux m’empêcher de sourire devant l’ironie cruelle de la situation.
Elle est belle quand elle jouit, même en plein silence. J’ai encore son goût légèrement acidulé sur mes lèvres. En bas, le décompte a commencé, j’entends son mari hurler, (10), je regarde Marie-Christine, je me souviens de notre rencontre, à la pause café, elle m’a demandé une cigarette, ça faisait longtemps que je ne fumais plus. Elle a la voix grave, elle laisse traîner quelques syllabes, c’est fascinaaant. (9) Marie-Christine et ses chemisiers, ses longues jupes, elle m’intrigue, elle me plaît, j’ai recommencé à fumer pour la croiser à la pause café. Un peu bourgeoise, un peu paysanne, elle a des manières de reine qui s’ignore. J’ai aimé Marie-Christine à son premier regard, un peu perdu, un peu de travers, elle louche un peu, ça donne du charme, je trouve, (8), elle se colle contre moi au fond de la baignoire, elle me dit, (t’es une belle personne, tu sais), je ne dis rien, non je ne le sais pas. Marie-Christine m’offre son corps, son cœur, son cul, mais elle ne me doit rien, elle ne sait pas que c’est son existence même qui est un cadeau, que sans elle, je ne suis rien. (7) En bas, l’année suivante arrive comme un train lancé à pleine vitesse. À force de la croiser devant la machine à café, à force de perdre mon regard dans les volutes de fumée et son décolleté, je lui ai demandé son numéro, un peu timidement, le rouge au front, elle m’a dit, (oui, tiens, on s’entend bien toi et moi) et j’ai senti mon cœur s’agrandir, un peu comme un hoquet permanent, (6), et de SMS en SMS, de conversations en conversations, Marie-Christine danse au bout de mes doigts, je danse contre les siens, nous avons le cœur qui bat entre les cuisses. (5) L’amour avec elle est différent des fantômes qui peuplaient mon lit, c’est le partage, c’est le jeu, c’est le Nous et non le Je, c’est quelque chose que nous ne connaissions pas, (4), parfois je pense à son mari, je ne pense pas qu’il soit stupide, c’est juste un homme, vautré dans ses privilèges, aveugle, parfois je pense à lui, mais jamais bien longtemps. (3) Marie-Christine est belle, elle me caresse le cœur avec la langue et chaque décharge électrique me rappelle que je vis à nouveau, qu’elle a rallumé les lumières, que je n’ai plus peur du noir, dans (2) secondes, 2018 fera sauter les bouchons de champagne, nous nous relevons, les cheveux en bataille, je dis, (il est temps de redescendre).
Marie-Christine me regarde, je regarde Marie-Christine, nous nous regardons dans le miroir de la salle de bain, il reste (une seconde), elle dit, (que nous sommes belles, quand même), je souris, on se serre dans les bras, elle me dit, (bonne année, Léa), en bas, la sono est poussée à fond.
|
| | | Auzelles
Messages : 4794 Date de naissance : 16/10/1949 Date d'inscription : 25/10/2017 Localisation : Entre Crau et Camargue
| Sujet: Re: L'historiette du jour... Jeu 1 Mar - 7:16 | |
| L'historiette du jour : Coma lundi de Nicolas JuliamJ’ai l’impression de vivre dans un interminable « Blue Monday », comme enfermé dans les profondeurs obscures du premier jour de la semaine, un océan de solitude à traverser pour atteindre la terre ferme du prochain week-end. Le lundi, c’est la déprime assurée, l’insurmontable retour à la case départ avec le cœur lourd et la tête dans le bol. Devant la machine du boulot, le café fumant à la main, j’ai les yeux collés, le teint blafard et l’énergie d’un koala. - Lire la suite de l'historiette:
En jetant un œil par la fenêtre, je remarque que la météo alterne entre rideaux de pluie et trombes d’eau. En pensant à mon compte bancaire, je me dis que je ne suis pas le seul à basculer dans le négatif. En regardant mes chaussettes, je découvre que mon moral n’a pas eu peur de s’y installer. C’est lundi, une musique oppressante et des images en noir et blanc me balance une nouvelle vague de spleen.
Si Jean-Marc était là, il me dirait sans doute de prendre de la vitamine D et d’arrêter de m’apitoyer sur mon sort de petit privilégié. Mais aujourd’hui, je ne vais pas avoir la chance de bénéficier de ses précieux conseils. Depuis qu’un énorme chat de gouttière puant et agressif a eu la mauvaise idée d’explorer les combles de l’agence, de mettre la patte là où il ne fallait pas, de passer à travers une plaque abîmée du faux-plafond, de tomber pile-poil sur sa victime toutes griffes dehors en mode Wolverine et de tout saccager sur son passage, Jean-Marc est en arrêt de travail. « J’espère qu’il n’a pas la rage l’enfoiré, j’ai déjà suffisamment la haine », m’a précisé le rescapé de cette histoire à dormir debout.
En sortant mon regard perdu dans le double expresso, j’aperçois Héléna qui se dirige lentement vers moi avec son mug « Silence, je réfléchis ! » bien en évidence. Du coup, je hoche la tête sans un mot pour la saluer et cette situation semble lui convenir. D’ailleurs, si elle avait une minute à m’accorder entre sa pause méditation, sa pause-thé-pas-café-merci et sa pause-salade-vegan-au-quinoa, je pourrais peut-être me confier à elle. Malheureusement, elle a ajouté à son planning une activité qui consiste à s’enfermer dans son bureau, le casque vissé sur la tête, pour écouter le bruit de la pluie sur un petit duo guitare-flûte. « Tu vois, je ferme les yeux et je fais un break. » Elle m’a aussi fait remarquer l’autre jour qu’un employeur au Honduras avait obligé ses salariés à porter des couches durant leur service pour ne pas nuire à leur productivité. Je la revois soupirer et sortir prendre l’air pour évacuer cette information anxiogène.
Un peu plus loin, Geneviève s’active comme d’habitude dans ses tâches quotidiennes, avec détermination et professionnalisme. Le seul problème, c’est le bruit du fax qu’elle utilise à longueur de journée. Car notre future jeune retraitée n’a pas souhaité disposer d’un poste informatique et d’une boîte mail pour l’aider dans ses missions. « Je n’ai plus l’âge d’apprendre et c’est très bien comme ça ! » On a échappé de justesse au retour de la machine à écrire, mais on subit tout de même le son du modem 56k ravivant, ou non, le côté nostalgique de chacun.
Sans oublier Théo, le stagiaire de 3e, qui vient de se faire coincer par Geneviève pour un topo complet autour du télécopieur. Immergé depuis peu dans le monde professionnel, le jeune observateur trimballe avec lui une sorte d’effroi permanent dans les yeux. Chewing-gum en bouche et smartphone scotché à la main, il a pour habitude de se promener dans les couloirs, sans but précis, probablement à la recherche d’une fenêtre pour s’échapper. Curieux comme pas deux, il a posé 2 questions en 4 jours d’errance, soit une prise de parole environ toutes les 14 heures. Et bizarrement, son rapport de stage est redouté comme un impitoyable audit, aussi bien par la naïveté de son analyse que par la divulgation de notre réalité en interne.
Compte tenu du vide absolu de notre conversation, Héléna décide de me lancer un sourire forcé avant de repartir sans enthousiasme en direction de son poste. Me revoilà seul devant le distributeur d’Arabica. C’est un jour comme un autre, dans une boîte comme une autre. Sauf que moi, je suis le chef d’équipe. Et je crois qu’il est grand temps de prendre les choses en main. Tout en effectuant peut-être un travail sur moi-même... C’est bien connu, la réussite ne tombe pas du ciel. Les félins non plus normalement.
La direction m’a parlé d’une formation : « Les enjeux du management dans un contexte de remobilisation des forces vives de l’entreprise. » Personnellement, j’aurais besoin d’un autre type de séance : « Désenvoûtement, chance, argent, succès, consultation 7 jours sur 7, efficacité en 3 jours, résultat garanti à 100 % même pour les cas les plus désespérés. » Bref, je crois que je vais reprendre un petit café avant de m’y remettre.
|
| | | Auzelles
Messages : 4794 Date de naissance : 16/10/1949 Date d'inscription : 25/10/2017 Localisation : Entre Crau et Camargue
| Sujet: Re: L'historiette du jour... Ven 2 Mar - 6:59 | |
| L'historiette du jour : The voices de MilaIl était une fois et pas deux, dans un royaume extraordinairement extraordinaire, vivait comme dans tous les contes dignes de ce nom une belle princesse. Le teint diaphane, les traits fins et délicats, Grâce était grande et pulpeuse. sa longue chevelure soyeuse suscitait les jalousies. Sa démarche aérienne faisait que tous se retournaient sur son passage, mais voilà, il y avait un mais ! Elle avait la voix rocailleuse d'un molosse. - Lire la suite de l'historiette:
Ça la foutait mal, c'était un réel problème. Ses parents n'arrivaient pas à la caser ! Ils avaient pourtant fait appel à tous les magiciens du royaume. Sorcières, druides et autres marabouts y passèrent et tous échouaient. Collier en pâtes de poulets, bave de crapaud et queues-de-souris macérées dans du jus de chaussettes de gnomes, cataplasmes de morves de bouc, incantations ubuesques, etc., rien ni faisait. Rien de rien, c'était ainsi ! Les prétendants tout d'abord éblouis, s'enfuyaient en courant dès qu'elle s'exprimait. Ils ne supportaient pas l'idée que leur épouse puisse posséder une voix bien plus virile que la leur.
Dépressive, la princesse décida qu'elle ne dirait plus un mot !
Un beau jour où le soleil brillait, Grâce décida d'aller se promener dans la forêt. Après avoir feinté son chaperon qui rentra au château les poings serrés et rouge de colère, elle en profita pour se réfugier discrètement dans une clairière traversée par une rivière. Nul ne connaissait cet endroit où la végétation luxuriante forçait l'admiration.
Elle prenait le frais installée au bord de l'eau enfin libre et à l'abri du regard, elle se laissait aller à chanter ses joies et ses peines.
Or, dans un des royaumes voisins vivait le prince Irvil. Il était jeune, beau, grand et fort, mais voilà, il y avait aussi un mais ! Sa voix fine et féminine le discréditait. L'impact sur son pouvoir de séduction était dramatique, les prétendantes pouffaient de rire dès qu'il leur faisait la cour. Las, le prince pensait, toutes des connes ! Ses parents le harcelaient pour qu'il épousa une belle princesse. Les princesses s'amusaient de lui. Un beau matin, Il en eut ras-le-heaume. Il fugua !
Après avoir chevauché durant des jours et tandis qu'il cherchait un coin pour se reposer, il entendit le chant d'un maitre. Le timbre de cette voix aurait été pour lui un rêve accompli mais hélas ce n'était pas la sienne. Curieux de voir à qui appartenait ce sublime instrument vocal, il délaissa son fidèle destrier et s'approcha doucement. Une nana se prélassait au bord de la rivière, il remarqua aussitôt que c'était un vrai canon !! Il chercha du regard l'homme à la voix si parfaite, mais il comprit bien vite que celle-ci émanait de la jeune femme. Une idée s'imposa. Il se mit lui aussi à chanter, sa voix pure s'accordait parfaitement à celle plus rauque de la jeune fille. Tout d'abord surprise, elle se tue. Elle le regarda ensuite comprenant rapidement que lui aussi souffrait de la même infirmité, stoïque sa voix s'éleva à nouveau... Ils chantaient ensemble, l'illusion était parfaite et la complicité vocale, mélodieuse. Cette richesse harmonique les rapprocha, une réelle complicité poussait ces jeunes gens à se retrouver de plus en plus souvent. De rendez-vous secret en rendez-vous secret, Grâce semait plus difficilement les chaperons successifs. Soucieux de conserver la vertu de leur fille les parents soupçonneux donnaient les ordres. — Suivez-la, ne la lâchez pas ! — Si vous perdez sa trace encore une fois, vous finirez aux oubliettes ! Non mais oh !!
Un beau jour, elle arriva essoufflée, Irvil la taquina si bien qu'ils finirent par se retrouver dans les bras l'un de l'autre. De fil en aiguille, il passa le fil dans l'aiguille et dans un cri de joie, leurs voix se fondirent l'une dans l'autre. Grâce se découvrit alors la voix d'Irvil et vice versa. Éberlués, ils réalisèrent de suite qu'ils étaient enfin délivrés de leur cauchemars. Ils reprirent en chœur un chant dont l'immense beauté irradia tous les royaumes.
Tous pensèrent à un chant divin, les paysans en tombèrent aussitôt à genoux en remerciant le ciel, les aristocrates se signèrent sûrs que ce cadeau leur était personnellement destiné, les commerçants pensèrent à juste titre, que cela pourrait être le tube de l'année.
Avant de le quitter à regret, elle lui demanda d'une voix douce et sensuelle. — Tu viens ? Il répondit de sa belle voix rauque et grave. — oui. Les amoureux partirent tous les deux sur le beau destrier qui n'avait pas perdu une miette de leur idylle. Une fois chez la belle, les parents comblés accueillirent Irvil à bras ouverts. Enfin, les bras s'ouvrirent et se refermèrent vraiment qu'une fois qu'ils se furent assurés de sa véritable condition de prince, leur générosité avait des limites. Un prince sinon rien ! Les deux familles se rencontrèrent et un grand mariage fut célébré. Quelques mois plus tard, de faux jumeaux vinrent au monde, un garçon et une fille. Rongés par l'inquiétude le jeune couple craignait que leurs enfants souffrent du même mal qui leur avait si longtemps pourri la vie. Le ballet des magiciens, sorcières, druides et autres marabouts reprit. Toutefois, Grâce refusa qu'on leur applique le cataplasme de morve de bouc. Trop dégoûtant ! Cela aurait pu traumatiser les petits !
Quelques années plus tard, un jour où le soleil radieux illuminait le royaume, la petite chantonnait tout en cueillant un bouquet de pâquerettes, le petit jamais loin de sa sœur l'accompagnait. Comblés et rassurés d'entendre le timbre de voix correspondant à chaque enfant, Irvil et Grâce se laissèrent emporter à chanter eux aussi. C'est ainsi que naquit le premier groupe lyrique de l'histoire des royaumes.
|
| | | Auzelles
Messages : 4794 Date de naissance : 16/10/1949 Date d'inscription : 25/10/2017 Localisation : Entre Crau et Camargue
| Sujet: Re: L'historiette du jour... Sam 3 Mar - 6:03 | |
| L'historiette du jour : Entre l'enfer et le paradis de Isabelle LambinAu point du jour, mon cher, au point du jour, mon grand, on te surprend, plus mort que vivant. Tu n’es plus qu’un vieillard d’une vingtaine d’années. Il y a certains endroits sur Terre où l’on vieillit plus vite qu’ailleurs. Là-bas, c’était du marche ou crève. Ton choix tu l’as vite fait. Plutôt crever. De ta chair, tu ne donnais pas cher. L’envie survivait pourtant de sauver ta peau. Y’a des matins qui nous surprennent. Et si la vie donne, c’est sûr et dur comme fer, elle reprend. Du fer, t’en as plus grand-chose à faire. Parqué dans un container, suffoque toute ta misère, grimacent tous tes tourments. - Lire la suite de l'historiette:
Au point du jour, mon cher, un champ gris tremble, un champ de macadam et de béton. T’es plus qu’une bête, un survivant et si tu te traînes dans ce port, moi, j’ai l’estomac qui se tord. Ça te surprend ? Tu as fui la guerre et la misère, tu as fui la violence, la mort qui rôde, tu as fui la faim, la peur. Tu as fui le vent qui gronde et la colère des Hommes. Tu as fui ta terre, ton mur de pierre, les rues de Jisrine. La vie, t’es prêt à la croquer et à mordre le pavé, à pleines dents. Prêt à en découdre, à tout recoudre, à rapiécer chaque lambeau d’avenir. Mais...
Au point du jour, mon cher, tu t’es réveillé prisonnier. Là-bas, c’était du marche ou crève. Ici, on te regarde de biais. On t’a entassé comme un animal en cage, devant toi, une forêt de tentes et une mer de réfugiés. Dans le pays de la Liberté et des Droits de l’Homme, tu ne promènes même plus ton ombre et toute sa supercherie. Elle a verrouillé toute ta géographie, tes plaines et tes vallées. Ton cœur bat-il encore sous les décombres ? À trop tourner en rond, sans papiers, sans identité, tu as oublié ton nom, qui tu es. Au coin de la rue, un chien hurle et ce chien, c’est ton cousin.
Au point du jour, mon cher, la réalité te gifle. Sur le bitume, ton âme s’élime. Pas de pare-chocs, tu prends de face la vie et ses abîmes. Le contour de tes rêves s’estompe. La vie prend le goût d’espoirs rances. Tous ces matins bouchés t’écrasent, t’achèvent. Même pas sûr que demain voit encore le jour. Dans la déchirure du temps, aura-t-il l’occasion de naître le mois joli, le joli mois de mai ? Il y a des gerçures, des éraflures, des fêlures, des craquelures qui rechignent à guérir. Heureusement, il reste ce ciel, ce ciel qui est à tout le monde. Ça, personne ne pourra te le voler. Tu y bois tous les soleils et les averses d’étoiles. Tu y puises tous tes sourires.
Au petit jour, tu fredonnes des mots d’eau, de sel, de feu et de boue, tu mets d’autres airs à ton cou. Une insulte lancée au malheur. Un impératif asséné, rouvrir le champ des possibles. Tu respires encore, il faut continuer, quitte à mettre des pansements sur les plaies. Certains refrains sont plus tristes que d’autres. Les chants désespérés sont-ils les plus beaux ? Dans ton regard, quelques flammèches bougent encore, comme cette irréductible envie de vivre. Et moi, moi, en te croisant, quelques épines viennent s’accrocher dans ma poitrine. Il est des jours crève-cœur.
|
| | | Auzelles
Messages : 4794 Date de naissance : 16/10/1949 Date d'inscription : 25/10/2017 Localisation : Entre Crau et Camargue
| Sujet: Re: L'historiette du jour... Dim 4 Mar - 6:18 | |
| L'historiette du jour : L’histoire du tablier de grand-mère de Carole L’ArcherEn lisant ce texte très émouvant, de belles images vont vous revenir en mémoire. Le tablier de grand-mère, c’est tellement de bons souvenirs qui reviennent dans notre tête et surtout dans notre cœur d’enfant. Peut-être vous souviendrez-vous de votre mère ou grand-mère qui portait son tablier ? Que de souvenirs nous reviennent et que d’utilisations avait ce fameux tablier…Tellement d’amour se cachait dans ce bout de tissus si anodin. C’est là qu’on peut dire qu’un simple tablier prend toute sa valeur quand il est porté par notre mère ou notre grand-mère. - Lire la suite de l'historiette:
L’histoire devrait vous rappeler toutes les utilisations du faveux tablier qu’on a peut-être oublié avec le temps! En lisant le texte, on peut se remémorer instantanément, des lieux, des visages, des instants de vie, certaines anecdotes, des voix et même certaines odeurs…
L’histoire du tablier de grand-mère
Nos enfants ignorent ce qu’est un tablier. L’utilisation principale du tablier de nos grands-mères était de protéger leur robe parce qu’elles n’en avaient que quelques-unes seulement et qu’il était plus facile de laver le tablier que la robe. Mais aussi, il servait comme mitaine pour enlever les plats chauds du four.
Le coin du tablier était idéal pour sécher les larmes des enfants. Et à l’occasion, il était même utilisé pour nettoyer les oreilles sales.
Dans le poulailler, le tablier était utilisé pour recueillir les œufs, les poussins difficiles et parfois pour transporter délicatement les œufs mi-éclos afin de terminer l’éclosion dans le four à baisse température.
Lors de la venue d’étrangers dans la maison, ce tablier était une cachette idéale pour les enfants timides…
Et quand le temps se refroidissait, grand-mère l’enroulait autour de ses bras.
Ces anciens tabliers ont essuyé plus d’un front en sueur, qui se penchait sur le poêle à bois chaud.
Il servait aussi à transporter dans sa nappe le bois d’allumage et les bûches jusqu’à la cuisine.
Ma grand mère s’en servait pour transporter les feuilles de tabac pour les hacher et les mettre ensuite dans une boîte de métal pour le garder frais.
Dans le jardin, il a essuyé et transporté toutes sortes de légumes. Grand-mère s’en servait aussi pour casser les noix et séparer les petits pois de leur chambre verte.
À l’automne, le tablier était utilisé pour transporter les pommes tombées des arbres.
Quand le dîner était prêt, grand-mère sortait sur le porche, agitait son tablier haut la main afin que les hommes comprennent du champ qu’il était temps de rentrer pour le dîner.
Jamais autre chose n’a remplacé ce bon vieux «tablier» qui a servi à de nombreuses fins.
Mais ce que mes souvenirs me laissent de plus précieux, c’est l’amour qui émanait de ce tablier lorsque je serrais grand-mère avec force dans mes bras et qu’elle me caressait les cheveux en souriant. À cet instant, je n’avais aucun souci quant à la saleté du tablier.
C’est pourquoi je crois n’avoir jamais rien appris de plus important de ce tablier que l’amour qu’il enveloppait.
Traduction et adaptation de « Faucon chercheur de vérité »
|
| | | Auzelles
Messages : 4794 Date de naissance : 16/10/1949 Date d'inscription : 25/10/2017 Localisation : Entre Crau et Camargue
| Sujet: Re: L'historiette du jour... Lun 5 Mar - 6:23 | |
| L'historiette du jour : Une collection particulière de Diogo GoncalvesExtrait d'une confession d'un condamné à mort à son avocat.Je n'ai pas toujours eu cette capacité. Celle de voir les fantômes. Je n'ai été capable de les voir qu'une fois que j'ai commis mon premier meurtre. Je m'en souviens comme si c'était hier. La petite Laura... Elle était si mignonne. Les cheveux blonds, bouclés. Un visage d'ange, toujours souriant. Une adolescente qui croquait la vie à pleines dents. Je l'ai suivie alors qu'elle rentrait du lycée, et je l'ai attrapée dans le petit parc qu'elle traversait pour se rendre chez elle. Je l'ai emmené dans un coin sombre, avant de l'égorger et de l'enterrer dans un coin de ce même parc. C'était mon premier meurtre, et j'avais quand même assuré parce que jusqu'à maintenant personne n'a jamais retrouvé son corps. - Lire la suite de l'historiette:
Et c'est peu de temps après que je l'ai vu. Son fantôme. Il était transparent, silencieux. Il se tenait au pied de mon lit, et ne faisait rien d'autre que me regarder, avec un air inquisiteur. Bien sûr, j'étais mort de trouille au début. Je pensais qu'elle était là pour se venger, pour me hanter, ou bien me pousser au suicide, d'une manière ou d'une autre. Mais elle restait là, sans rien faire. Elle me regardait fixement, tout le temps. J'ai bien essayé de m'en débarrasser, avec du gros sel, de l'acier, comme dans les films, mais rien à faire, elle était intangible. Je ne pouvais pas la toucher, et elle ne pouvait pas me toucher. Finalement, ce n'était qu'un fardeau qui me suivait. Peut-être espérait-elle que j'aie des remords, qu'elle me ferait avoir des cas de conscience ? Mais, malheureusement pour elle, je n'en avais aucune, de conscience.
Au contraire, j'avais bien envie d'ajouter quelques fantômes à ma collection, donc j'ai commencé à chercher d'autres victimes. Comme cet homosexuel de trente-deux ans que j'avais trouvé grâce à un site de rencontres. Après l'avoir attiré à l'écart dans une ruelle, je l'ai éventré et laissé pourrir là. C'était ma première victime connue, celle qui a lancé ma légende. Celle du « Tueur de Minuit », puisque j'avais l'habitude de tuer mes victimes pile à cette heure-là.
Comme prévu, en me réveillant, je n'avais pas un fantôme, mais deux. À côté de Laura se tenait le fantôme de ma victime de la veille, avec la même expression sur le visage. Cette expression que j'allais voir sur de plus en plus de visages, car je n’étais pas près de m’arrêter en si bon chemin.
J'ai donc continué à tuer, de plus en plus souvent, de plus en plus parfaitement. Et ma collection de fantômes grandissait de jour en jour. C'était presque une petite armée qui me suivait partout, en me fixant du regard. Ah, si les autres pouvaient voir ce que je voyais... Chaque visage était un hymne à ma gloire, à mon œuvre. Chaque visage me rappelait le soir où je l'avais assassiné. Je vivais les plus beaux jours de ma courte vie.
Mais un événement a tout fait basculer. Quelqu'un avait eu la bonne idée d'imiter mon modus operandi, et de tuer des gens de la même manière que moi. Mais ses victimes, il ne les choisissait pas au hasard, car il suivait mes pas. Il tuait les personnes de la même famille que mes victimes. Leur oncle, leur père, leur mère, leur sœur... Jusqu'à ce que je le retrouve. Il avait tout d'un fan inconditionnel. Il m'a même demandé un autographe... que je lui ai bien sûr signé... avec son propre sang. Et ce qui est intéressant, ce n'est pas ce copycat minable, mais ce qui s'est passé après. Au matin, son fantôme avait bien rejoint les autres, mais cette fois, ceux-là ne me regardaient plus. Ils étaient bien trop occupés avec le nouvel arrivant.
Ils le torturaient. D'une façon ignoble. Même moi, qui était habitué à voir ce genre de choses, je ne pouvais pas m’empêcher de détourner les yeux de ce spectacle barbare. J'ai même eu de la pitié pour ce minable, c'est dire. Puis, j'ai enfin compris. J'ai compris pourquoi ils me suivaient. Pourquoi ils ne disaient rien.
Ils attendaient.
Ils attendaient que mon heure soit venue. Que je rejoigne enfin le royaume des esprits, pour qu'ils aient enfin leur vengeance. Comme pour ce copycat minable, ils avaient de grands projets pour moi, et pour cela, il ne leur fallait qu'attendre ce moment. Et, en leur qualité de fantômes, attendre, c'est ce qu'ils savaient faire de mieux.
Bien sûr, j'ai essayé de m'excuser, j'ai pleuré, j'ai imploré. Mais rien n'a changé. Ils restaient de marbre, et quoi que je fasse, rien ne pouvait changer mon destin. Au bout d'un certain temps, je m'y suis résigné. À quoi bon ?
Maintenant que la police m'a attrapé, et que je vais bientôt passer sur la chaise électrique, j'ai peur. J'ai vraiment peur, car je suis le seul homme sur Terre qui sait ce qui l'attend après sa mort. Une éternité de torture, infligée par les fantômes de ses victimes. Et ça, elles le savent bien, car je les vois en ce moment même, alors que je vous raconte mon histoire. Ce n'est plus cette expression qui m’accueillait chaque matin.
Non, maintenant, pour la première fois... je les vois sourire.
|
| | | Auzelles
Messages : 4794 Date de naissance : 16/10/1949 Date d'inscription : 25/10/2017 Localisation : Entre Crau et Camargue
| Sujet: Re: L'historiette du jour... Mar 6 Mar - 6:40 | |
| L'historiette du jour : Rêve d'évasion de Chantal NoelLe clapotis des vagues, comme une respiration bien rythmée, se mêle aux cris rauques des mouettes. Ici, c’est mon repaire, ma toute petite île. Un vieux phare aux pierres larges s’y dresse, et moi seule en possède la clé. Oh ne croyez pas que je suis rescapée d’un quelconque naufrage... Aucun pirate n’a sabordé mon frêle esquif, non, j’y viens de mon plein gré, huit jours, tous les ans à la belle saison. Dès que j’accoste, l’odeur iodée m’enveloppe, me protège. Mes pieds s’enfoncent dans le sable chaud et doux. Mes pas connaissent le petit chemin escarpé qui mène à la lourde porte de ma demeure. - Lire la suite de l'historiette:
Dans cette haute tour, je suis reine. L’unique fenêtre semble le cadre d’une peinture marine incroyable, chaque minute différente et en même temps si semblable à l’instant précédent. Les couleurs passent du bleu profond au vert émeraude, parfois au gris sombre selon le temps, les crêtes mousseuses des vagues dansent, passant d’une valse lente à un tango endiablé. Je ne me lasse pas de ce tableau envoûtant. Enfin, je suis loin du tumulte parisien. Le bateau de pêche qui m’a déposée là pour huit jours est reparti, je vais monter les provisions en haut du phare, trois cent marches... Il me faut les grimper six fois pour installer bagages et victuailles. Il reste toujours trois bonbonnes d’eau laissées par le précédent occupant, c’est la règle. La pièce est spartiate, mais elle sent bon le vieux bois et le lit est confortable. La gazinière fonctionne plutôt bien et j’ai du café et du chocolat pour tenir un siège. Pas de télé, pas de radio. Mon smartphone, juste « au cas où... ». Le bibus est rempli de vieux « Reader Digest », mais j’ai ma propre provision d’auteurs, de quoi nourrir mes soirées près de la lampe à pétrole. Cette île déserte, il faut la mériter, savoir l’apprivoiser. J’en connais le moindre rocher. Je sais que l’unique chemin qui en fait le tour est sablonneux, que la jaune linaire des sables s’accroche au sol et blondit la côte. Je sais que chaque matin, vers dix heures, je peux voir Hercule se dorer sur la même plage. Je n’essaie pas de l’approcher, il est chez lui. Hercule est un petit phoque moustachu qui habite le coin. On s’ignore mutuellement. Surtout lui d’ailleurs, moi je l’observe secrètement. Il n’y a pas grand-chose à faire sur mon île, à part pêcher les couteaux et quelques autres coquillages. Quel plaisir ! Pour les couteaux, c’est facile : ma salière pour seule arme, je saupoudre les petits trous où les bestioles respirent, ça les gêne, et hop, ils se dressent comme des asperges hors du sable, il n’y a plus qu’à les cueillir. Ici, je suis bien. Assise au bord de l’eau, je laisse mon esprit vagabonder, puis je range mes pensées, je les mets en ordre, j’élimine le superflu, je me recentre. J’apprécie chaque moment. Lorsque le soleil du soir se pose comme une orange brûlante au bout de mon horizon, là où l’océan finit, que les nuages flamboient dans un ciel violet, alors mon cœur devient léger. Et même si cette île n’existe que dans mon imaginaire, j’y suis bien quand chaque soir, lorsque j’y trouve refuge, elle me fait voyager et m’aide à trouver un sommeil serein.
|
| | | Auzelles
Messages : 4794 Date de naissance : 16/10/1949 Date d'inscription : 25/10/2017 Localisation : Entre Crau et Camargue
| Sujet: Re: L'historiette du jour... Mer 7 Mar - 6:13 | |
| L'historiette du jour : Les entretiens d'un tueur blasé de KaimengJe me souviens d’un canapé noir et de murs blancs laiteux. J’étais allongé. En tournant ma tête à droite je pouvais apercevoir par la fenêtre les gouttes de pluie chatouiller les vitres. Il tombait des trombes et le clapotis de l’eau résonnait à mes oreilles. L’appartement était spacieux et agréable. Le salon était chaud et garnit de tapisseries fastueuses. Un immense téléviseur était accroché au mur face à moi. Une porte entrouverte laissait apercevoir une cuisine moderne et très bien entretenue. Tout avait été agencé avec goût par le propriétaire des lieux, mon interlocuteur, qui se trouvait assis sur un fauteuil marron Chesterfield, qui se trouvait à mes côtés. Il m’observait de ses yeux marrons tandis que je lui parlais, de mes sentiments et de mes doutes, j’avais des problèmes alors j’avais besoin d’en parler à un psychologue, tout en étant allongé sur un canapé. - Lire la suite de l'historiette:
— Ai-je toujours voulu faire ce travail ? Je ne pense pas. Voyez-vous, après le lycée, je ne me voyais pas rentrer dans le monde du travail comme tout le monde. Je voulais faire quelque chose d’extraordinaire, d’unique. Je suis arrivé dans ce domaine par hasard et voilà cela fait maintenant des années que je tue pour vivre. Mais je commence à en avoir marre.
L’homme marmotta quelque chose que j’interprétai comme une question sur ce que je voulais vraiment.
— Difficile réponse. J’ai besoin de challenge, d’aventure. Vous savez ce n’est pas facile pour moi, c’est la première fois que je parle de moi de cette façon.
Il marmonna ensuite quelques paroles intelligibles, que je compris comme étant des questions sur mon enfance. Je vais vous passer les détails de ma réponse car je ne pense pas que cela vous captiverait vraiment. Tout ce que je peux vous dire c’est que m’étudier aurait surement ennuyé tous les profilers que l’on voit dans les séries américaines à la télé. Car, je tiens à vous le dire maintenant, je n’ai pas été violé dans mon enfance, mon père ne me mettait pas des robes pour me déguiser, et je n’ai pas commencé à tuer des animaux à l’âge de huit ans. Je dois dire que j’ai eu une enfance plutôt tranquille et une adolescence normale. Drogue, filles, alcool, cigarettes, j’ai eu tout ce que je voulais en temps et en heure et j’étais très satisfait de ma vie à l’époque. C’est exactement ce que je répondis à mon interlocuteur. Je vis la surprise dans ses yeux. C’est vrai qu’on attendrait une autre réponse d’un mec qui déclare à haute voix qu’il est tueur. J’étais sûrement le premier qu’il avait rencontré dans sa vie. J’étais habitué à ce genre de réactions.
— Je vous promets, je ne fais pas ce boulot par plaisir. En tout cas, pas depuis un bout de temps. Je n’ai, pour l’instant, pas d’autre plan d’avenir alors je continue. Je dois vous dire, avant que vous ne soyez vraiment déçu, que le métier de tueur à gage n’a rien à voir avec ce que l’on voit au cinéma. Ce n’est pas aussi excitant. La grosse partie de mon travail est l’assassinat de mari ou de femme commandité par leur conjoint ou conjointe.
J’entendis mon interlocuteur râler, ce qui me fit réaliser mon indélicatesse.
— Oui, je suis désolé... C’est effectivement le cas aujourd’hui. Lorsqu’elle est venue me voir, elle m’a dit que vous étiez psychologue alors je me suis dit que vous parler un peu me ferait du bien. Je vais vraiment mal... Je ne sais pas où je vais avec ma vie.
Il essaya à nouveau de parler, c’est à cet-instant que je me rendis compte que j’avais passé trop de temps dans cet appartement avec cet homme dont je ne comprenais aucune des paroles. Il faut dire que le bâillon que je lui avais introduit entre les dents ne facilitait pas son élocution, je dois le reconnaitre. J’avais besoin d’être écouté, entendu mais je m’en fichais un peu de ce qu’il pouvait me dire. Et puis je ne voulais pas qu’il rameute tout le voisinage, chez lui. Je fais un métier qui se passe très bien de ce genre de publicité. Je levai mon arme, un Beretta 92 que j’avais acheté au début de ma carrière et duquel je ne me séparais jamais. L’éraflure sur le manche était la seule trace que l’on pouvait voir, il était sinon dans un état impeccable. J’en prenais soin comme la prunelle de mes yeux. Avez-vous déjà vu quelqu’un ne pas faire attention à son outil de travail ? C’est impensable ! En voyant l’arme, l’homme se mit à gesticuler, et à crier sous son haillon. La terreur pouvait se lire dans ses yeux. Il fixait l’arme en tentant de comprendre ce qu’il avait fait pour mériter ce qui allait lui arriver. C’est à ce moment-là que je lui lâchai :
— Vous auriez dû vous marier avec une autre femme.
Puis je pressai la détente. Sa tête, s’est d’abord reculée sous l’effet du choc avant de basculer en avant. Ses cris étouffés se sont tus. Je fis un peu de nettoyage puis quittai l’appartement. La mort était une nouvelle fois passée faire son travail. Je sortis, la pluie continuait de tomber. J’étais trempé. Sans espoir, ma vie était sans espoir, sans issue. Je soupirai, en réfléchissant déjà à mon prochain contrat. Dommage qu’il n’existe pas de caisse de retraite pour les tueurs. Comme je lui avais dit, la grosse partie de mon travail était l’assassinat de mari ou de femme commandité par leur conjoint ou conjointe. Si je vous révélais le nombre de contrats de ce type que j’ai eus, je pense que vous ne voudriez plus vous marier.
|
| | | Auzelles
Messages : 4794 Date de naissance : 16/10/1949 Date d'inscription : 25/10/2017 Localisation : Entre Crau et Camargue
| Sujet: Re: L'historiette du jour... Jeu 8 Mar - 7:32 | |
| L'historiette du jour : Histoire du 8 mars Comment le 8 mars est devenu la Journée Internationale des Femmes…Au début du XXe siècle, des femmes de tous pays s’unissent pour défendre leurs droits. L’origine de cette journée s’ancre dans les luttes ouvrières et les nombreuses manifestations de femmes réclamant le droit de vote, de meilleures conditions de travail et l’égalité entre les hommes et les femmes, qui agitèrent l’Europe et le monde occidental, au début du XXe siècle. - Lire la suite...:
La création d’une « Journée internationale des femmes » est proposée pour la première fois en 1910, lors de la conférence internationale des femmes socialistes, par Clara Zetkin, et s’inscrit alors dans une perspective révolutionnaire.
La date n’est tout d’abord pas fixée, et ce n’est qu’à partir de 1917, avec la grève des ouvrières de Saint Pétersbourg, que la tradition du 8 mars se met en place. Après 1945, la Journée internationale des femmes devient une tradition dans le monde entier. Jusqu’à nos jours…
La date est réinvestie avec le regain féministe des années 70 et la « Journée internationale des femmes » est reconnue officiellement par les Nations Unies en 1977, puis en France en 1982. C’est une journée de manifestations à travers le monde, l’occasion de faire un bilan.
La Journée des femmes reste aujourd’hui d’une brûlante actualité. Car tant que l’égalité entre les hommes et les femmes ne sera pas atteinte, nous aurons besoin de la célébrer.
|
| | | Auzelles
Messages : 4794 Date de naissance : 16/10/1949 Date d'inscription : 25/10/2017 Localisation : Entre Crau et Camargue
| Sujet: Re: L'historiette du jour... Ven 9 Mar - 8:05 | |
| L'historiette du jour : Cristal de Randolph De ce premier matin du premier jour dans la lumière nouvelle, te souviens-tu ? Un chant doucement s’élevait. Vibrant d’amour, les mots se libéraient du silence et révélaient la parole, le souffle, la liberté de dire. Nous traversions alors ces jours paisibles posés en équilibre délicat sur le cycle des saisons. Je me souviens, nous marchions longuement sous le doux soleil de février, goûtant la saveur des moments partagés, le frémissement du vent sur le visage, la joie puérile à l’approche du sommet. Là, silencieux, épuisés et heureux, nous parcourions du regard les massifs lointains. Je me souviens, le monastère était couvert de neige. Une porte s’ouvrit, un moine chartreux sortit du bâtiment, la tête couverte d’une large capuche. Il longea la façade, contourna l’édifice, sa silhouette s’évanouit dans la brume. - Lire la suite de l'historiette:
Le silence était presque douloureux, le grand hiver avait figé les éléments. Seule la neige tournoyante évoquait la réalité. Les arbres nus, dessinés à l’encre, constituaient l’essentiel dans sa pureté. Je me souviens, vision éphémère dans la vieille ville. La pluie avait cessé. Le soir approchait, accompagné des derniers rayons de soleil. Une jeune fille marchait dans l’ombre immobile. Elle portait sous son bras un livre relié de cuir beige. Ses longs cheveux châtains semblaient jouir d’une vie propre, de mouvement et de lumière. Une lueur bleue et limpide s’étalait sur les pavés brillants. La jeune fille disparut à l’angle d’une ruelle. J’imaginais une suite, une errance se poursuivant par la miraculeuse combinaison de mes maladresses.
Je me souviens de tant d’instants, de pages, de feuilles tourbillonnant dans le vent infatigable, multiple, irrésistible, tel un courant d’air parcourant les mondes. Douce brise des années douces, rafales terribles arrachant les plaintes déchirantes des années de tourment, mistral étincelant et sifflant de nos années de lumière. Ces années de lumière qui jamais plus ne seront. Fragments de vie, fragments épars que l’espérance cimente, rend cohérents, que le flux universel emporte.
Un soir d’automne, assis sur une plage de galets face à la mer tranquille de la baie de Nice, nous avons au même instant tourné la tête vers l’ouest et regardé le soleil couchant. Le ciel offrait ses mouvances, coloré de rose et d’orangé en d’innombrables nuances. Nos pensées suivaient la course des nuages, éphémères filaments. Le dernier cil solaire disparut, nous laissant orphelins de lumière. Tu frissonnas, je me souviens.
En rejoignant le village au retour d’une randonnée, nous rencontrons un berger appuyé sur son solide bâton. Le troupeau de moutons, resserré autour d’un frêne, se fend à notre passage, des bêlements nous interpellent, quelques bêtes s’éloignent. Le berger nous salue, nous échangeons quelques phrases sur le temps qui se couvre, le brouillard qui nous poursuivait tout au long de la descente, la beauté de la cascade masquée par une falaise, à l’écart du chemin. Les mots laissent place au silence qui se dépose comme un voile et nous laisse accueillir la paix du soir. Le berger déjà s’éloigne, accompagné du tintement des clarines. Nous rentrons juste avant la nuit.
Emmêlés dans l’écharpe du temps, ces souvenirs, réminiscences et vagues rêveries tissent une chatoyante parure aux jours qui se succèdent, défilent joyeusement en une farandole étourdissante, éternellement renouvelée. Chaque matin est une renaissance, une aube nouvelle. Chaque matin je rends grâce à la vie, je goûte le miracle d’être, de respirer. La veille est un souvenir, une amorce que je perçois à travers le cristal limpide de la mémoire. Je m’applique à vivre le chapelet d’instants qui paisiblement s’égrène. Vois-tu cette qualité, comprends-tu que mon meilleur souvenir soit chaque jour : m’en être sorti vivant ?
Sous la voltige de quelques flocons de neige, je m’endors. Les souvenirs d’une vie sont inscrits dans le cristal de chaque flocon. Mystères et merveilles et douleur et douceur de la mémoire.
|
| | | Auzelles
Messages : 4794 Date de naissance : 16/10/1949 Date d'inscription : 25/10/2017 Localisation : Entre Crau et Camargue
| Sujet: Re: L'historiette du jour... Sam 10 Mar - 6:46 | |
| L'historiette du jour : Quel bonheur d’avoir un beau-papa bricoleur de Demens« Putain ! Si tu la fermes pas, j’vais te planter un tournevis entre les deux yeux ! » Aucun son n’est sorti de ma bouche, mais je l’ai pensé tellement fort que beau-papa s’est tu instantanément. Le type responsable de ce léger courroux est le papa de ma chérie. Comme il aime à dire, il n’est pas né avec une cuillère en argent dans la bouche, mais avec un tournevis dans la main. Et il en est fier le bougre ! Au début, je m’en foutais pas mal de ses talents de bricoleur. Chacun fait ce qu’il veut de sa vie. Planter deux clous, scier une planche, réparer la chasse d’eau ou changer un roulement sur sa Safrane le mettait en joie. Tant mieux pour lui. Il n’est pas exigeant avec la vie. C’est le jour où il a estimé qu’il était grand temps que son gendre apprenne le b.a.-ba du bricolage, avec la bénédiction de ma chérie, que ça s’est gâté entre nous. Entre lui et moi je veux dire. Bref, il a commencé à me courir sur le haricot. - Lire la suite de l'historiette:
— Kevin, demain, je t’apprends à changer un moyeu sur une Safrane. À ton âge, tu dois savoir faire ça. En fait, je m’appelle Gibril, mais beau-papa préfère Kevin. Au début, ça me faisait rire. — Beau-papa, j’ai pas de Safrane, et avec l’aide de Dieu, j’en aurai jamais. — C’est kif-kif sur toutes les marques, même sur les BMW. Kif-kif. Il m’agace. — Bon, d’accord beau-papa, mais pas trop tôt, demain, c’est dimanche. — De bonne heure et de bonne humeur Kevin.
Je me suis pointé le lendemain, la tête dans le fondement, à neuf heures et demie, sous une pluie de reproches appuyées du papa de mon amour. Je chante en silence une chanson de Renaud. « Et voilà la galère, c’est r’parti pour un tour, carrément comme hier, j’suis encore à la bourre, pendant c’temps ma gonzesse doit sortir de la douche... »
— Tu sais depuis combien de temps je t’attends Kevin ? Non, tu le sais pas. Je vais te le dire. Deux heures ! Deux heures Kevin. Écoute-moi bien, et retiens ce que je vais te dire. Tu me remercieras plus tard. LE MONDE APPARTIENT A CEUX QUI SE LEVENT TOT ! J’ai bougonné que le monde appartenait à ceux qui ont des Gibril qui se lèvent tôt, mais il n’a pas relevé. Et puis, il a vu que je m’étais équipé comme un pro, ça l’a calmé ; chaussures de sécurité, gants de mécanicien, pantalon de travail à genouillères, cadeau de Noël de beau-papa apprécié à sa juste valeur par son gendre reconnaissant. C’était la première fois que je m’accoutrais ainsi, mais pour le coup, je n’avais pas d’autres choix. Il avait la larme à l’œil ce con. Il m’a même donné du fiston avec affection. Mais quand il m’a demandé d’enlever ma casquette « afro-trap », j’ai sorti les griffes.
Le garage de son pavillon était équipé comme un vrai garage ; fosse, pont élévateur, presse hydraulique, compresseur, treuil, outils divers et variés dont le nom m’échappe. Dans son antre, beau-papa était comme un poisson dans l’eau. Ses cent vingt kilos se mouvaient avec une certaine élégance, faut le dire. Un metteur en scène inspiré pourrait en faire un ballet en trois actes. Il a une vraie présence. Il serait seul sur scène. Le premier acte serait dédié à la préparation de l’intervention mécanique. Mise en place des outils – chaque outil à sa place, une place pour chaque outil, dixit beau-papa –, métamorphose de ce gros bonhomme en superman de la mécanique. Deuxième acte, consacré à l’opération mécanique chirurgicale en elle-même, avec espoir de réussite, désillusions, et apothéose, lorsque le boulon se décide enfin à pénétrer dans l’écrou récalcitrant. Le dernier acte, je le vois très lent, mélancolique, la Safrane qui sort doucement de la scène dans une brume de monoxyde de carbone, beau-papa qui lui fait des adieux avec un chiffon graisseux, et puis... — Kevin ! Qu’est-ce que tu fous à rêvasser comme ça ? Me dis pas que tu n’as pas assez dormi... Passe-moi la clé à pipe de 17, et enlève cette casquette, j’vois pas tes yeux. T’es quand même pas sorti des entrailles de ta mère avec ça sur le crâne, tête d’œuf !
Le tournevis, je ne lui ai pas planté entre les deux yeux. J’ai revu ma mère qui pleurait quand j’ai quitté Tessalit. Le tournevis, je l’ai planté dans le pare-brise de la Safrane. J’ai salué un beau-papa abasourdi en tirant ma casquette avec révérence, et j’ai quitté la scène.
Ma chérie n’est peut-être pas encore sortie de la douche.
|
| | | Auzelles
Messages : 4794 Date de naissance : 16/10/1949 Date d'inscription : 25/10/2017 Localisation : Entre Crau et Camargue
| Sujet: Re: L'historiette du jour... Dim 11 Mar - 7:04 | |
| L'historiette du jour : La biographie de Claude François (anniversaire de sa mort ce jour, déjà 40 ans) Disparu subitement le 11 mars 1978, Claude François est toujours aussi populaire. On se souvient de ses smokings avec strass et paillettes, de ses brushings impeccables, de ses chorégraphies sautillantes, des Clodettes évidemment et d'"Alexandrie Alexandra" bien sûr, chanson sur laquelle on danse encore, symbole kitsch d'une époque révolue. - Lire la suite.../...:
Claude François naît le 1er février 1939 à Ismaïla en Egypte. Son père, Aimé, est contrôleur de la circulation maritime sur le canal de Suez. Il est muté sur les bords de la mer Rouge en 1951 et s’installe donc avec sa femme Lucie, d’origine italienne, sa fille Josette et son jeune fils Claude à Port Taoufik.
Cette famille va vivre tranquillement jusqu’en 1956, date de la nationalisation du canal de Suez par le président égyptien Nasser. Obligée de partir, la famille vit le retour vers la France comme un brutal déracinement. Elle s’installe à Monte-Carlo dans un appartement modeste. Mais Aimé tombe malade et se voit dans l’incapacité de travailler. Petit à petit, son fils prend la place du chef de famille.
Après un vague séjour derrière le comptoir d’une banque comme employé, Claude François se prend à rêver de réussite. Aidé par un tempérament entreprenant, il commence à rechercher quelques cachets dans les orchestres des grands hôtels monégasques. Très tôt, ses parents lui ont fait donner des cours de violon et de piano. Par lui-même, il s’intéresse aussi à l’univers des percussions. C’est d’ailleurs la rythmique qui lui donnera en premier lieu, la possibilité de s’exprimer. Premiers pas artistiques
C’est ainsi qu’en 1957, il est engagé dans l’orchestre de Louis Frozio qui se produit à l’International Sporting Club. Son père voit d’un très mauvais œil l’entrée de Claude dans le monde artistique et à dater de ce jour, la brouille entre les deux hommes est installée, à jamais.
Déterminé, Claude malgré un maigre salaire persiste dans cette voie. Le directeur ne veut pas le laisser chanter et bien tant pis, il va voir ailleurs et plus précisément à l’Hôtel Provençal de Juan-les-Pins. Un peu plus sûr de lui, il commence à se faire connaître dans les boîtes de nuit de la région. Un jour de 1959, il rencontre celle qui deviendra un an plus tard sa femme, une danseuse anglaise du nom de Janet Woollacott.
Ambitieux et décidé à réussir sa vie, Claude François décide de monter à Paris. Fin 1961, il part avec femme, famille et bagages s’installer dans la capitale.
Le début des années 1960 est une époque de grands bouleversements pour la variété française. Commence l’ère de "Salut les Copains", émission de radio célèbre, des reprises en français de grands tubes américains, du twist et autres yé-yé.
Claude François se fait engager dans la formation d’Olivier Despax, les Gamblers. Mais la situation rester précaire. Les cachets ne sont pas très importants et surtout, il veut toujours autant réussir. Il sort bientôt un 45 tours chez Fontana intitulé "le Nabout twist" (sorte de twist oriental) sous le nom de Koko. Ce premier disque est un échec. 1962 : "Belles belles belles"
Aimé François s’éteint en mars 1962 et n’entend pas quelques mois après, le premier grand succès de son fils, "Belles Belles Belles", adaptation en français d’une chanson des Everly Brothers.
Lancé par l’émission "Salut les Copains", Claude François démarre alors une véritable carrière de chanteur. Pris en main par un jeune impresario, Paul Lederman (futur agent de Coluche ou de Thierry Le Luron), voilà Claude François qui commence à marcher sur les plates-bandes de ses collègues. Il part en tournée en 1963 en première partie des Chaussettes Noires et peu à peu, ce jeune homme hyper-énergique s’impose sur scène jusqu’à leur ravir la vedette.
Plusieurs titres vont se hisser durant cette année-là en haut des hit-parades dont "Marche tout droit" ou "Dis-lui". Le nombre d’admiratrices est en augmentation constante : son look de jeune homme de bonne famille, ses cheveux blonds laqués et ses paroles aseptisées sont autant d’atouts pour séduire un public féminin. En octobre, sort un autre tube, "Si j'avais un marteau", adaptation de "If I had a hammer" de Trini Lopez. 1964 : "La Ferme du bonheur"
Claude François travaille beaucoup et enchaîne les chansons adaptées de l'anglais, sans que pour autant celles-ci laissent un souvenir impérissable (la "Petite mèche de cheveux" ou "Je veux tenir ta main"). Quoiqu'il en soit, le succès est enfin là et le chanteur gagne de plus en plus d'argent. En 1964, il s'offre un ancien moulin à la campagne, à Dannemois, en Ile-de-France. Quelques semaines plus tard, on l'entend chanter "la Ferme du bonheur".
C'est aussi l'année de sa première tournée en vedette avec les Gams, groupe yé-yé par excellence, les Lionceaux et Jacques Monty. Ce n'est pas toujours de tout repos car le chanteur se montre maniaque, voire intransigeant et désagréable avec ses collaborateurs. En septembre de la même année, il se produit pour la première fois à l'Olympia à Paris. Dans ce récital, Claude François chante un "J'y pense et puis j'oublie" assez nostalgique qui fait référence à la séparation avec sa femme, Janet.
En 1965, le jeune homme enregistre environ une quinzaine de titres de "les Choses de la maison" à "Même si tu revenais". Il fait un Musicorama, émission de radio enregistrée en direct à l'Olympia à Paris, en octobre. C'est un triomphe. Il poursuit en enregistrant et en tournant pour la télévision une version de Cendrillon. L'année 66 est marquée par la création des Clodettes, équipe de quatre danseuses qui font office de faire-valoir. La tournée d'été n'en est que plus délirante, ponctuée par les scènes d'hystérie collective des admiratrices. En fin d'année, il monte à nouveau sur la scène de l'Olympia pour y triompher une fois de plus.
Après une courte idylle avec France Gall, il rencontre Isabelle qui deviendra la mère de ses deux fils. Nous sommes en 67 et cette année semble décisive. En effet, Claude François est en fin de contrat chez Philips et envisage de créer sa propre entreprise. C'est chose faite avec les Disques Flèche. Il devient artistiquement indépendant et seul maître à bord. Un véritable homme d'affaire, patron également de son propre fan club ! 1968 : "Comme d'habitude"
Le nouveau label est inauguré en 1968 avec le titre "Jacques a dit". Il continue avec une adaptation des Bee Gees, "La plus belle des choses". Mais sur ce même disque figure une chanson qui va devenir un tube mondial. Écrit en collaboration avec Jacques Revaux pour la musique et Gilles Thibault pour le texte, "Comme d'habitude" est en fait le symbole de la rupture du chanteur avec France Gall. Adaptée en anglais par Paul Anka, "My way" sera chantée par les plus grands de Sinatra à Elvis Presley.
En juillet de la même année, Isabelle donne naissance à Claude Junior, vite surnommé "Coco". Mais Claude François ne fait pas étalage de sa vie privée, il veut conserver ses fans et ne pas les décevoir. Il continue donc ses tournées, une en Italie et une autre en Afrique, du Tchad au Gabon, en passant par la Côte d'Ivoire.
Hormis la naissance de son fils Marc, l'année 1969 ressemble aux précédentes. Il faut noter tout de même que son passage à l'Olympia durant 16 jours à guichets fermés est à nouveau un triomphe. Le spectacle ressemble à un véritable show à l'américaine : quatre danseuses, huit musiciens et le grand orchestre de l'Olympia. Il enchaîne l'année suivante avec une tournée au Canada.
Mais c'est à Marseille que pour la première fois, il va craquer alors qu'il est en scène. Le surmenage est sans doute à l'origine de ce malaise. Il part aux Canaries se reposer. À peine rentré, il est victime d'un accident de voiture. À peine remis (de son nez brisé et de son visage tuméfié), Claude François, l'infatigable, repart en tournée avec Dani et C.Jérôme.
A la fin de l'année, il rachète "Podium" un magazine pour les jeunes qui bientôt supplante ses rivaux, dont le fameux "Salut les Copains". En 1972, en véritable connaisseur de musique noire-américaine, il part enregistrer le titre "C'est la même chanson" aux États-Unis, à Detroit, dans les studios de la Tamla Motown. Mais ses activités sont maintenant diversifiées. Il fait aussi de la production et avec les disques Flèches et s'occupe d'artistes tels Patrick Topaloff et Alain Chamfort. 1972 : "Le lundi au soleil"
Toujours à la recherche de nouveaux talents, il recrute un jeune compositeur suisse, Patrick Juvet, pour écrire "le Lundi au soleil", succès de l'année 1972 sur lequel on voit Claude François et les Clodettes exécuter une chorégraphie à base de petits pas sautillants et de moulinets des bras. Cette chorégraphie devient un des symboles du chanteur.
D'autre part, il choisit de ne pas faire l'Olympia et part en tournée autour de Paris avec un chapiteau de 4.000 places. À la fin de l'année, il subit un contrôle fiscal et se voit obligé de payer 2 millions de francs à l'État. En 1973, il interprète "Je viens dîner ce soir", "Chanson populaire" et surtout "Ça s'en va et ça revient", titres qui deviennent à leur tour de véritables tubes. Pourtant, le sort semble s'acharner sur le chanteur. En juin 73, le moulin de Dannemois est ravagé par un incendie.
L'année suivante se passe un peu mieux. "Le Mal-Aimé" fait un malheur, suivi rapidement par le méga-tube, "le Téléphone pleure", vendu à deux millions d'exemplaires. Les affaires reprennent et Claude François investit cette fois dans une agence de mannequins, Girls Models. On connaît l'attirance du chanteur pour les jeunes filles qui l'avait poussé l'année précédente à racheter un magazine de charme, "Absolu". Il s'était même pour l'occasion transformé en photographe !
Poursuivant sa carrière avec frénésie, Claude François enchaîne les succès même si au milieu de ces années 1970, cela ne marche pas autant qu'il le voudrait. Ses concerts attirent de toute façon un nombre toujours impressionnant de spectateurs, sûrs du show délirant auquel ils vont assister.
C'est ainsi que le 1er juillet 1974, il rassemble quelques 20.000 personnes à la Porte de Pantin à Paris pour "Perce-Neige", fondation d'aide aux enfants handicapés présidé par un de ses amis, Lino Ventura. L'année suivante, le journaliste Yves Mourousi organise un concert de Claude François au profit de la recherche médicale, devant un public très nombreux rassemblé aux Tuileries à Paris. Cela sera d'ailleurs le dernier concert du chanteur dans la capitale.
Entre enregistrements de nouveaux disques, souvent dans une atmosphère tendue due à la maniaquerie de l'artiste, les tournées comme celles qu'il effectue aux Antilles en avril 1976 ou en Afrique à la fin de l'année, ses love-story avec la Finlandaise Sofia ou l'Américaine Kathaleen (sa dernière compagne), ses shows télévisés, ses voyages incessants, Claude François vit à cent à l'heure. Et parfois cela ressemble aussi à un cauchemar : il est victime en 1975 de l'explosion d'une bombe de l'IRA (Armée révolutionnaire irlandaise) à Londres. Il s'en tire avec un tympan crevé. En 1977, il se fait tirer dessus alors qu'il conduit sa voiture. Sans dommage. 1978 : "Alexandrie Alexandra"
S'il a répété pendant des années qu'il lui faut chanter toujours le même genre de chansons pour satisfaire son public, Claude François sait de toute façon s'adapter aux modes dans la mesure où elles peuvent correspondre à son personnage. En 1977, la musique disco est à son apogée. Il surfe donc sur la vague en 1978 avec "Alexandrie Alexandra", écrit par Etienne Roda-Gil, l'auteur attitré de Julien Clerc.
Le 11 mars 1978, la France entière apprend que Claude François est mort électrocuté à son domicile parisien. La disparition subite de l'idole plonge ses fans et le public en général dans un état de profond chagrin qui vire parfois à l'hystérie.
Il est inhumé au cimetière de Dannemois dans le caveau familial.
Un exécuteur testamentaire est désigné puisque ses enfants sont encore très jeunes. Il s'agit d'Alain Dominique Perrin qui commence par constater que Claude François était en faillite avec un endettement fiscal de plus de 15 millions de francs. Il met le moulin de Dannemois en vente. Il se sépare aussi du magazine Podium, de l'agence de mannequins et des costumes de scène.
Il œuvre pour récupérer les droits de "My way" (l'adaptation de "Comme d'habitude") que Paul Anka s'était accaparé. Les ventes posthumes du titre "Alexandrie Alexandra", sorti quelques jours avant la mort du chanteur et qui reste 18 mois dans les charts, permettent de renflouer les caisses.
Le 11 mars 2000, 22 ans jour pour jour après sa disparition, une place Claude-François est inaugurée en fanfare au pied de son ancien domicile parisien. Le 11 mars 2003, ce nouvel anniversaire est largement célébré par ses admirateurs qui ne perdent pas une occasion de cultiver son souvenir, parfois jusqu'au ridicule, une mèche des cheveux du chanteur pouvant se céder à 15.000 francs (2500 euros).
Par la suite, ce sont les fils de Claude François, Claude junior et Marc, qui reprennent les rênes de l'affaire et continuent de faire fructifier leur patrimoine.
Son fils Claude Junior rouvre en 1993 les Disques Flèche, non pas pour produire des disques, mais pour gérer le patrimoine et l'image du chanteur.
Une partie du catalogue (celui d'Isabelle Musique, avec des chansons comme "Chanson populaire", "Viens à la maison", etc.) est vendue à EMI au début des années 2000.
Réalisé à l'occasion du 25e anniversaire de la mort de l'artiste, un sondage donne "Belles, belles, belles" comme la chanson préférée des Français, devant "Comme d'habitude" et "Alexandrie Alexandra".
En 2009, un groupe d'investisseurs mené par l'homme d'affaires Xavier Niel rachète à Claude François Junior, Jeune musique, une autre partie du catalogue qui comprend des chansons comme "Alexandrie, Alexandra", Magnolias for ever" ou "Comme d'habitude".
Le cinéaste Florent Emilio Siri entreprend de faire un film sur la vie de Claude François. Ce "biopic" intitulé "Cloclo" sort en 2012 avec l'acteur belge Jérémie Régnier dans le rôle principal, acteur dont l'interprétation est saluée sa prestation est saisissante de vérité.
34 ans après la mort du chanteur, sa notoriété est toujours très importante. Pour preuve le nombre de disques vendus après son décès constitue la moitié des 67.5 millions de disques vendus entre 1962 et 2012.
En mai 2013, une vente aux enchères de vêtements et effets portés par le chanteur a lieu à l'Hôtel Drouot à Paris.
Janvier 2018
|
| | | Auzelles
Messages : 4794 Date de naissance : 16/10/1949 Date d'inscription : 25/10/2017 Localisation : Entre Crau et Camargue
| Sujet: Re: L'historiette du jour... Lun 12 Mar - 7:55 | |
| L'historiette du jour : Fable du petit homme qui voulait être plus grand de Fenouil-le-FenecIl était une fois un tout petit homme qui en avait assez d'être le plus petit des hommes de son village. Un matin, il décida d'aller voir le sage de son village et lui expliqua qu'il voulait grandir et devenir plus fort. Le sage lui montra la plus haute des montagnes et lui dit : — Tu vois cette très haute montagne là-bas ? Jamais aucun homme n'est parvenu à atteindre son sommet. Si tu parviens à la gravir, tu seras le plus grand et le plus fort des hommes. - Lire la suite de l'historiette:
Alors, le petit homme se rendit au pied de la montagne et, une fois arrivé, perdit aussitôt tout espoir : elle était si haute et il était si petit, et si faible ! Il repensa néanmoins aux paroles du sage et décida d'essayer tout de même. Il y avait deux sentiers : l'un était droit et beaucoup plus rapide, l'autre montait en zigzaguant autour de la montagne et semblait beaucoup plus long que le premier. Le petit homme était pressé de devenir le plus grand des hommes, aussi par logique choisit-il le premier chemin, le plus court et le plus rapide. Pourquoi se compliquer la vie ?
Il commença alors à grimper la montagne escarpée, mais au bout d'une heure, il n'eut plus la force de continuer et s'assit sous le soleil. Là, il se lamenta en disant que jamais il ne serait le plus fort et le plus grand des hommes. Soudain, il entendit une petite voix qui semblât sortir de nulle part : — Moi, j'ai la réponse que tu cherches. Surpris, le petit homme chercha autour de lui et aperçut une toute petite coccinelle posée sur un caillou. — De quoi parles-tu ? lui demanda le petit homme, pris de curiosité. — J'ai la réponse à ta question... lui répéta évasivement la petite coccinelle. Et la maligne petite bestiole s'envola quelques mètres plus loin. Le petit homme s'élança aussitôt à sa poursuite, s'éloignant peu à peu de son chemin car il voulait absolument comprendre ce qu'avait voulu dire la coccinelle. Il la suivit ainsi quelques minutes, jusqu'à ce qu'il se rende compte qu'il trottait sur un nouveau chemin, beaucoup moins escarpé que le premier. Curieux, il voulut de nouveau interroger la petite bête, mais celle-ci avait déjà disparu. Il poursuivit le chemin en inspectant chaque caillou à la recherche de la coccinelle. Il marcha ainsi pendant des heures et des heures, jusqu'à arriver dans un terrible brouillard. Il s'assit là et se mit à pleurer. — Je suis perdu ! J'ai perdu la trace de la petite coccinelle et en plus de ça, je n'arriverai jamais à gravir cette montagne : elle est bien trop grande et je suis bien trop petit ! Il ne voyait même plus le sommet avec ce brouillard qui était si épais ! Épuisé, il s'endormit.
Quelques heures plus tard, le petit homme se réveilla et découvrit avec stupeur que le sommet ne se trouvait en réalité qu'à quelques mètres au-dessus de lui ! N'en revenant pas, il grimpa jusqu'au sommet de la montagne et comprit qu'il se trouvait au-dessus des nuages. — Ce n'était pas si compliqué ! déclara une petite voix qui lui était devenue familière. La petite coccinelle était là, posée sur son épaule. — Tu as voulu prendre la solution qui te paraissait la plus simple alors tu as choisis le chemin le plus court. En agissant ainsi, tu n'as pas réfléchi : le chemin le plus long était moins escarpé et tu ne t'es même pas rendu compte que tu grimpais. Puis tu as baissé les bras alors que tu étais tout près du but, parce que tu étais persuadé de ne pas y parvenir. En étant trop pressé, on ne prend pas le temps de réfléchir et on fait souvent les mauvais choix. Il ne faut jamais se décourager : rien n'est impossible et il n'y a qu'avec de la volonté qu'on parvient aux sommets. Regarde, tu as relevé le défi et tu l'as remporté : tu es plus fort que ce que tu croyais. Parfois il faut juste de la persévérance et une bonne dose de courage. Même si le chemin est long et difficile et que cela te paraît insurmontable, il mène toujours au but si tu décides de ne jamais abandonner. Maintenant te voilà le petit homme le plus haut de tous les hommes !
|
| | | Auzelles
Messages : 4794 Date de naissance : 16/10/1949 Date d'inscription : 25/10/2017 Localisation : Entre Crau et Camargue
| Sujet: Re: L'historiette du jour... Mar 13 Mar - 8:21 | |
| L'historiette du jour : Le parfum des autres de Didier LemoinePosé sur le rebord d'une fenêtre, un papillon décide de prendre son temps. Il dodeline de la tête tout en remuant ses pattes savamment disproportionnées. L'été est chaud. Mes idées se promènent dans l'armoire à souvenirs. Tu étais là, à côté de moi, sur ce canapé trônant au fond de la cour. Le papillon y était peut-être aussi ! - Lire la suite de l'historiette:
Je ne me souviens pas de lui, seulement de toi. Mon ange perdu. Mon amour insouciant. Je t'attendais depuis toujours, et puis tu es passée, juste passée, laissant derrière toi un parfum irremplaçable. Aujourd'hui, je sens à nouveau cette odeur de volupté flotter au-dessus de moi, comme un vent inépuisable. Un vent de mirage. Un vent de rêveries. J'ai mal. J'ai froid. J'ai peur de ne jamais te revoir, de ne jamais plus te toucher, de ne jamais te respirer à nouveau. Je hais le parfum des autres. Il me semble si fade. Il me semble si faux. Peut-être que je ferai mieux de ne plus y penser. Si cela était possible, je n'hésiterais pas une seconde. Mais ta peau m'obsède. Ton odeur me réveille chaque nuit. Et ici, face à ce come-back inutile, tu me manques tellement. Se rappeler, c'est souvent injuste. Se rappeler, c'est parfois déstabilisant. Cette impression d'être près de toi en sachant que c'est une illusion fragile. La vérité est une présence olfactive. La douleur se confond avec ton absence. En cet endroit que tu as embelli un soir d'été inoubliable. Et puis ces petites choses qui font tout. Ces petits gestes doux. Nos mains qui se rejoignent comme par miracle. Nos regards si complices. Mes doigts qui ôtent les mauvaises herbes sur la tombe de ton père. Les bords de l'eau captivant notre libido. Les draps froissés par la folie incontrôlable de nous aimer. Je fais semblant d'oublier tout ça pour ne pas mourir. Je fais semblant de me contenter du parfum des autres. Le parfum des autres ? Inodore. Dénué de tout sens. Dénué du plaisir de sentir ton corps contre le mien. Le parfum des autres ? Torturé au pinacle des ombres de toi ! La foudre peut bien me tomber dessus. Je m'en fous comme du parfum des autres...
|
| | | Contenu sponsorisé
| Sujet: Re: L'historiette du jour... | |
| |
| | | |
Sujets similaires | |
|
| Permission de ce forum: | Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
| |
| |
| |
|