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Auzelles
Messages : 4794 Date de naissance : 16/10/1949 Date d'inscription : 25/10/2017 Localisation : Entre Crau et Camargue
| Sujet: Re: L'historiette du jour... Mer 14 Mar - 8:28 | |
| L'historiette du jour : La ville était en liesse de Michel DréanLa ville était en liesse. La foule tout autour qui exultait. Sur la place un orchestre jouait des airs de java et de musette. L’exubérance d’un faux bonheur trop longtemps contenu. Comment pourrais-je oublier alors que j’étais là, au milieu de ces rires, de ces visages qui rayonnaient, de ces gens qui s’embrassaient ? Le soleil était haut dans le ciel et me faisait cligner des yeux. Mais la guerre ne fait que des perdants. Tous ceux qui riaient, dansaient, saluaient les libérateurs avaient tous des cicatrices bien enfouies, des fantômes qui hantaient déjà leurs chemins et continueraient à effleurer les jours à venir, des proches partis pour ne plus revenir. La guerre ne laissait derrière elle qu’un long sillon carmin, des sanglots étouffés dans la douceur d’un soir d’été, des regrets infinis de ne pas avoir su trouver les mots quand il était encore temps alors qu’en cet instant les cendres froides ne réchaufferaient plus jamais les cœurs meurtris. J’étais là et toi aussi. J’étais là et je n’ai pas oublié. - Lire la suite de l'historiette:
Comme je suis là aujourd’hui. Face à toi en train de te réveiller doucement. Je n’ai pas oublié. L’oubli est quelque chose qui m’est interdit. Tout serait tellement plus simple autrement. Gommer les jours qui nous encombrent. Effacer d’un coup de chiffon sale les heures indécentes, la glu du passé qui nous colle à l’âme et fige nos souvenirs monstrueux. Mais tout cela est impossible. Je le sais. Tu ouvres les yeux.
— Putain, qu’est-ce que je fous là ?
Ta voix est pâteuse. Tu as la mine défaite. La vie est une défaite. Tu faisais plus le fanfaron hier soir quand tu as cru que j’étais une proie facile. Cette rencontre que tu croyais guidée par le hasard. Ces verres enfilés à la terrasse de ce bistrot. Le dernier que je t’ai proposé chez moi où tu t’es affalé comme une masse. Faut dire que j’y avais mis la dose.
— Mais réponds bordel ! — Alors comme ça tu ne te souviens plus de rien ? — T’es complètement folle ou quoi ? Allez détache-moi.
Je caresse de la main la longue paire de ciseaux effilés. J’aime l’idée que tu es entièrement à ma merci. Je crois que je souris. Oh pas un signe de joie, un rictus plutôt, une grimace mauvaise. Désolé, c’est tout ce que j’ai en réserve. Pour toi, cela suffira amplement.
— Je vais te couper les couilles.
Tout à coup, tu ne sais plus quoi penser. Je vois la trouille au fond de tes pupilles. Elle s’incruste, doucereuse. De petits éclats de pure peur qui brillent comme des diamants. Est-ce que je vais passer à l’acte ? Tout de suite ou est-ce que je vais te faire attendre un peu ?
— Merde mais qu’est-ce que je t’ai fait ?
Qu’est-ce que tu m’as fait ! La ville était en liesse. Toi tu étais du bon côté, résistant de la dernière heure, planqué tout ce temps dans les jupes de ta mère. Marché noir et sans doute pire. De braves gens, serviles et opportunistes. Passé dans le camp des vainqueurs quand le vent avait tourné. La foule tout autour qui criait. L’orchestre. Comment pourrais-je oublier ? Je m’approche de toi, les ciseaux bien en évidence. J’empoigne ta tignasse et tire ta tête en arrière. Une première mèche tombe, puis une autre et une autre encore.
— A l’aide, à l’aide ! — Tu peux crier autant que tu veux, personne ne t’entendra ici, c’est bien trop isolé.
Je t’ai reconnu la semaine dernière. Comment oublier ton visage ? Visiblement ce n’était pas réciproque. Il faut dire que j’ai changé depuis et que ce jour-là je ne ressemblais pas à grand-chose. Moi et les autres filles. Debout sur cette plate-forme de camion. La ville était en liesse. La foule criait. Des injures, des crachats.
Non mais je rêve, tu as pissé dans ton froc, toi le héros de la libération. Du courage, tu en avais pourtant pour nous tondre devant la populace revancharde. Tu y avais mis du cœur à l’ouvrage. Blouse arrachée, ma poitrine à l’air, ils en avaient pour leur argent. Et la blondeur de mes cheveux moissonnée. Chaque poignée qui tombait levait son lot de vivats. Ma honte bue, gorgée après gorgée. Et ensuite quand tu les as laissé se défouler un peu sur mon corps humilié, tu as oublié ?
Moi pas, je me souviens encore et encore du fruit de cet amour interdit perdu dans un flot de sang noir. Je me souviens de Hans, abattu par les tiens chez moi, alors qu’il n’aspirait qu’à une chose : se rendre, effacer à tout jamais cette folie meurtrière qui avant embrasé le monde. Il n’avait rien d’un nazi. Non, il était juste du mauvais côté. L’amour ne porte pas d’uniforme, il n’a pas de drapeau, pas de pays, pas de frontière. Mais comment tu pourrais comprendre ça, toi le couard, juge et bourreau.
Pas de ville en liesse. Pas d’orchestre, pas de java ni de musette, pas de vivats, pas de foule écumante quand ta dernière poignée de cheveux tombe. Juste toi et moi. Je te regarde une dernière fois avant de couper tes liens. Tu peux t’en aller, avec ta tête rasée, ta laideur. Fous le camp avant que je ne change d’avis. Fous le camp avec ton pantalon souillé, avec tes faits de gloire et tes mensonges.
Moi je reste avec mes souvenirs. Avec Hans et cet enfant qui aurait pu naître. Avec cet avenir éteint. Je ne me sens même pas mieux.
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| | | Auzelles
Messages : 4794 Date de naissance : 16/10/1949 Date d'inscription : 25/10/2017 Localisation : Entre Crau et Camargue
| Sujet: Re: L'historiette du jour... Jeu 15 Mar - 8:46 | |
| L'historiette du jour : Père de substitution de SlivinoLuc n’a pas eu le temps de réaliser ce qu’il se passait. Le hurlement des pneus qui tentent de s’agripper au bitume, le choc sourd et cette masse informe qui vient percuter le pare-brise l’ont brutalement sorti de sa léthargie éthylique. Vautré sur le siège passager de son Audi, il met plusieurs secondes à comprendre que sa vie vient de basculer. Au volant, son fils est hagard, comme si la décharge d’adrénaline qui vient d’irriguer ses veines avait eu pour effet de statufier son corps. Luc reconnaît les lieux : le campus de l’université de Lyon-1. Le tableau de bord indique 2h16. A travers le pare-brise fragmenté, il visualise un corps gisant au milieu de ce qui semble être une piste cyclable. Plus loin, le cadavre métallique d’un vélo de ville est étendu sous la lumière blafarde d’un réverbère. Une violente réalité s’impose alors à lui : Léo, 20 ans, vient de renverser un cycliste. Luc sort, s’approche du corps. La jeune fille ne bouge pas, ne respire pas, elle est morte, c’est une certitude. Du sang s’écoule de son oreille droite. - Lire la suite de l'historiette:
Le regard perdu dans les moulures du plafond du tribunal correctionnel de Lyon, Luc repense à l’accident qui justifie sa présence ici. Un an déjà, un an de survie, de nuits blanches à broyer du noir, à ressentir les tenailles de la culpabilité torturer son esprit. Le visage tuméfié de la jeune victime l’obsède, il sait qu’il ne pourra jamais l’effacer de sa mémoire. Rongé par le remords, il a déroulé maintes fois le scénario de cette nuit, essayant en vain d’en changer l’issue macabre. Avant le début de l’audience, il prend le temps de se remémorer le début joyeux de la soirée du 2 octobre 2016.
Luc avait l’impression de ne jamais en avoir fait assez pour Léo. Séparé très tôt de sa mère, il était devenu malgré lui un intermittent de la paternité. Son fils n’avait que 7 ans. Un week-end sur deux et la moitié des vacances scolaires. Une sentence classique que le père n’avait pas cherché à négocier pour ne pas infliger à son enfant un conflit avec sa mère. Hors de question que Léo soit l’enjeu d’une partie de poker menteur conjugal, arbitré par des avocats cupides et insensibles. Luc s’était donc adapté à l’exercice de sa paternité à temps partiel mais il avait l’amère conscience que cette situation lui donnait injustement un rôle éducatif subalterne. Comment tisser des liens solides avec son fils en étant aussi peu présent dans son quotidien ? Heureusement, le football avait été le remède et avait comblé ce qui aurait pu être un fossé devenu infranchissable avec le temps. Très tôt, Luc avait fait partager sa passion du ballon rond à son fils. Il l’emmenait régulièrement au stade Gerland où se produisait alors l’équipe lyonnaise, quasi imbattable au début des années 2000. Le plaisir qu’ils partageaient au milieu des bruyants supporters créait quelque chose d’indéfectible entre eux. Dans ces moments de complicité émotionnelle, Luc lisait l’amour filial dans les yeux émerveillés de son enfant. Léo était également devenu un jeune joueur de bon niveau et son père ne manquait aucun de ses matchs ou de ses entraînements. A la fois protecteur et conseiller, Luc contribuait à faire progresser son fils en tant que footballeur. Il assumait alors pleinement son rôle de père.
Il fait doux pour un début de mois d’octobre. Luc et Léo viennent d’assister à la victoire de Lyon face à leur ennemi historique, Saint-Etienne. Les frissons qu’ils ont éprouvés pendant ce match exceptionnel ne se sont pas encore dissipés et ils ont envie de prolonger ce moment heureux. Les amis de Luc proposent d’aller arroser la victoire dans un bar de supporters proche du campus universitaire de Lyon-1. La soirée s’étire dans la moiteur du bistrot surpeuplé. Les bières se succèdent. 2h, il est temps de rentrer. Luc se sent fatigué mais souhaite prendre le volant. Léo insiste pour conduire : ils ne sont pas ivres, loin s’en faut, mais il ne fait aucun doute que leur taux d’alcoolémie dépasse la limite autorisée. Conduire la puissante berline de son père procure à Léo un sentiment de jouissance légitime. Sur une avenue assez large qui traverse les bâtiments universitaires, il appuie légèrement sur l’accélérateur, juste pour mieux profiter de l’élégant vrombissement du moteur. 90 km/h, pas plus, Léo ne veut prendre aucun risque. Il ne voit pas le cycliste déboucher sur sa droite. Il enfonce la pédale de frein. Yeux clos au moment de l’impact. Bras raides soudés au volant. Corps tétanisé. Silence dans l’habitacle. Lorsqu’il émerge de sa prostration, Léo aperçoit son père penché sur le corps inerte. Il le rejoint. Luc lui parle, Léo écoute, acquiesce et pleure. Sur cette avenue sombre et déserte, leur existence insouciante vient de chavirer dans le drame.
Léo apparaît dans le hall du tribunal où Luc patiente sur un banc, devant la salle d’audience. Il se dirige vers son père, s’assied à ses côtés et l’embrasse. Maître Glik, avocat spécialisé en droit routier, les rejoint peu après. Il se tient debout face à eux, son téléphone portable rivé à l’oreille. Léo ressent une très forte tension intérieure que ses pincements de lèvres trahissent. La main de son père posée sur son épaule parvient à l’apaiser. Dans un coin du hall, les proches de la victime se sont regroupés et échangent des accolades réconfortantes. Après une insupportable attente, la porte de la salle d’audience s’ouvre et un huissier appelle l’affaire Dubois. Léo et son père se lèvent et pénètrent dans ce lieu austère, suivis de près par Maître Glik. Ils échangent un dernier regard ému et se séparent.
— Mr Dubois, pouvez-vous décliner votre identité complète ? — Je m’appelle Luc Dubois, j’ai 46 ans, je vis au 8 rue d’Ivry, Lyon 4e.
Sous le regard humide de son fils, Luc, debout à la barre, écoute le président du tribunal énoncer les faits qui lui sont reprochés. Il sait qu’il encourt une lourde peine, probablement de la prison ferme, mais il doit payer à la hauteur de l’irréparable faute commise. Il ne s’est jamais autant senti père.
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| | | Auzelles
Messages : 4794 Date de naissance : 16/10/1949 Date d'inscription : 25/10/2017 Localisation : Entre Crau et Camargue
| Sujet: Re: L'historiette du jour... Ven 16 Mar - 7:13 | |
| L'historiette du jour : Nous de Georges LauteurDemain j'aurai vingt ans. Je serai la première à vivre ce moment unique. La première terrienne, je veux dire, évidemment. Je suis la plus âgée de tous les enfants terriens nés ici, sur Youtopia comme nous l'avons nommée, cette planète que ses habitants appellent simplement Nous. Ma mère était déjà enceinte quand elle est arrivée avec les premiers colons. Il n'a fallu aux terriens que quelques mois pour comprendre qu'ils n'étaient pas des colons mais des colonisés. - Lire la suite de l'historiette:
Le système de Nous s'est en effet imposé à tous comme un système parfait. Je me souviens encore des rires des habitants de Nous quand ils nous entendaient raconter les déboires des civilisations terriennes. Des rires stupéfaits et moqueurs. Gentiment moqueurs, naturellement, mais moqueurs quand même.
Mes parents et tous les terriens ont été mis au travail en arrivant. Normal, car ils avaient tous plus de trente ans et moins de soixante. Sauf moi, mais je ne suis née qu'un mois après l'arrivée. Ma mère a juste eu droit à quelques mois de congé pour s'occuper de moi, puis elle est partie travailler.
Je ne l'ai jamais revue.
Je ne regrette rien. À part ces quelques mois dont je ne me souviens pas, j'ai passé toute ma première vie ici sur Nous avec les autres jeunes. J'ai été rejointe par quelques enfants de terriens avec le temps, mais Nous nous a absorbés comme les enfants de Nous. Depuis vingt ans, je joue, je crée et j'apprends, avec les autres enfants et avec le soutien de nos coachs, les vieux, ceux que nous serons un jour, les plus de soixante ans.
Je sais que mes créations, nos créations à nous les enfants de Nous, sont la base de la civilisation de Nous. Ici aucune décision de changement n'est prise par quelqu'un qui a plus de vingt ans. C'est moi et mes co-jeunes qui décidons de tout ici. Nos vieux coachs ne sont là que pour nous guider et nous apprendre le passé, pas pour nous orienter.
Je suis particulièrement fière de certaines décisions que j'ai suscitées. Notamment celles en relation avec la Terre. Les nouvelles que nous en recevons de temps en temps ne sont en effet pas bonnes. Les guerres continuent, les batailles politiques s'enlisent dans des conformismes de vieux et des rébellions de gens sans issue. Les quelques génies créateurs qui émergent sont vite englués dans des systèmes inhumains d'exploitation organisée. Bref, la Terre doit changer.
Demain, j'aurai vingt ans et ma deuxième vie commencera, comme tous les habitants de Nous au même âge. Pendant dix ans, jusqu'à mon trentième anniversaire, je dirigerai Nous, ou en tout cas une partie de Nous.
Sur Nous, le système est simple : jusqu'à vingt ans, vous êtes jeune, vous apprenez et vous créez, vous décidez et vous jouez, encadrés simplement par quelques vieux de plus de soixante ans. Vos décisions s'imposent, après débats, qu'elles soient folles ou conservatrices. Puis entre vingt et trente ans, vous dirigez tout ce qu'il y a à diriger sur Nous, de l'État à la plus petite entreprise, mais toutes vos décisions doivent être cohérentes avec celles prises par les jeunes. Vous êtes dirigeant sans pouvoir et surtout sans vouloir vous éloigner de ces décisions. A trente ans, vous travaillez. Jusqu'à soixante ans, vous êtes travailleur, sous l'autorité des dirigeants et dans les cadres fixés par les jeunes. Puis à soixante ans, vous êtes vieux, retraité et vous coachez, si vous le souhaitez, les jeunes.
Demain donc, je dirigerai Nous ou un secteur de Nous. Personne ne sait avant l'heure ce qu'il va diriger. Nous nous contentons d'émettre des vœux, en fonction des places disponibles, des nouvelles décisions des jeunes ou de nos goûts.
Moi, je n'ai émis qu'un seul vœu, celui de réformer la Terre selon le système de Nous. Une idée bizarre pour les habitants de Nous qui se moquent bien de la Terre et avec raison. Mais une idée que personne n'aura eu, j'en suis sûre. Je suis la première, rappelez-vous.
Mon plan est simple : créer et diriger pendant dix ans la première agence de colonisation de la Terre par Nous. Y faire venir des travailleurs terriens et de Nous. Laisser cette agence évoluer en fonction des décisions des jeunes terriens et de Nous qui apprendront avec le temps ce qu'on peut faire d'un tel projet. Puis dans dix ans, je partirai comme travailleuse sur la Terre pour y importer le système de Nous.
La Terre n'a aucune chance. Ou plutôt elle a une chance immense.
Le système de Nous est trop puissant pour que la Terre lui résiste au-delà de quelques générations, sept suivant nos modèles mathématiques. Les premières communautés que nous établirons se répandront comme un virus. Comment refuser un système où les décisions sont prises par les plus créatifs, tout en sachant qu'ils deviendront ensuite des dirigeants puis de simples travailleurs et qu'ils finiront par espérer pouvoir influencer les jeunes de deux générations de plus. Un système qui s'auto-régule naturellement et où personne n'a envie d'écraser l'autre.
Un système parfait. De Nous, Par Nous, pour Nous et pour vous... bientôt.
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| | | Auzelles
Messages : 4794 Date de naissance : 16/10/1949 Date d'inscription : 25/10/2017 Localisation : Entre Crau et Camargue
| Sujet: Re: L'historiette du jour... Sam 17 Mar - 8:12 | |
| L'historiette du jour : La Saint Patrick (Futura Sciences)La Saint-Patrick est l'une des plus importantes fêtes d'Irlande. Elle est célébrée par les Irlandais du monde entier, à New York comme à Dublin. Mais d'où vient-elle ? Avant de faire un tour d'horizon des villes célèbres qui fêtent la Saint-Patrick, voyons un peu d'où vient cette fête. Histoire : origine de la Saint-Patrick en Irlande - Lire la suite.../...:
Saint Patrick est le saint patron de l'Irlande. Ce missionnaire fut en effet le fondateur du christianisme dans ce pays, au Ve siècle. Cette fête chrétienne est célébrée le 17 mars. La légende veut que saint Patrick ait utilisé le trèfle pour expliquer la Sainte-Trinité. La couleur verte et le trèfle sont donc devenus les symboles de cette fête et les emblèmes du pays.
La Saint-Patrick en Irlande mais aussi à New York, Chicago ou Seattle
Le 17 mars, les Irlandais arborent leur costume de la Saint-Patrick : ils portent un trèfle à la boutonnière ou un vêtement de couleur verte. La Saint-Patrick en Irlande est célébrée durant cinq jours après une parade.
La plus importante célébration est toutefois à New York, où la fête rassemble, sur la Ve Avenue, plusieurs centaines de milliers de personnes lors d'un gigantesque défilé. À l'occasion de la fête de la Saint-Patrick, les Irlandais font partager la culture celtique à travers leurs plats et leurs boissons, dont la bière. À ces soirées, souvent arrosées, est associé un grand nombre de festivités diverses (concerts, spectacles...) qui se déroulent un peu partout.
Pour l'anecdote, sachez aussi que, dans certaines villes, le vert ne se trouve pas seulement sur les vêtements. À Chicago, par exemple, on verse du colorant vert dans la rivière alors qu'à Seattle, ce sont les routes qui sont peintes en vert !
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| | | Auzelles
Messages : 4794 Date de naissance : 16/10/1949 Date d'inscription : 25/10/2017 Localisation : Entre Crau et Camargue
| Sujet: Re: L'historiette du jour... Dim 18 Mar - 7:37 | |
| L'historiette du jour : Gueule noire de Hermann SboniekLongtemps, je me suis couché de bonne heure, toujours à contrecœur, en râlant, en pestant, en traînant les pieds. Le moment d’aller au lit était une souffrance, une parenthèse à la vie, une étape que rien ni personne ne pourrait jamais me convaincre d’accepter. Pourquoi ces milliers d’heures passées à rêver alors que les vrais fantômes hantaient encore les corridors de notre demeure ? Ce moment insensé du coucher mettant fin à une quête, à une cavalcade, à un combat avant une mise à mort. Ce moment, je le haïssais du plus profond de mon être et je le redoutais aussi comme une sentence immuable. - Lire la suite de l'historiette:
On n’est pas sérieux quand on a dix ans. Les adultes appliquent toujours la raison du plus ancien. La raison fait le raisonnable, le raisonnable obéit et l’obéissant satisfait ses parents. Longtemps, je me suis couché de bonne heure, comme une délivrance. Harassé de fatigue, les muscles fourbus d’avoir trop travaillé. L’esprit encombré de mille tâches répétitives, je suppliais alors le sommeil de me prendre vite, je me rendais sans condition. Je voulais tout oublier. Les nuits étaient trop courtes pour débarrasser mon corps de l’odeur du charbon et du poids du labeur. On n’est pas toujours heureux à vingt ans, on doit subir la loi du plus fort. La loi des propriétaires de la mine. Les travailleurs au fond n’ont ni le temps ni la force de choisir à quelle heure aller dormir. Longtemps, je me suis couché de bonne heure, entre des draps rêches, bien à plat sur le dos. La douleur fait maintenant partie de la famille comme la compagne et l’enfant. Toujours recommencer, la besogne, la soupe et le coucher. La vie s’écoule dans un sablier qui ne sera jamais retourné. Les journées disparaissent en laissant bien plus de sueur et de sang que de joies et de rires. Des années à venir, on a fini d’attendre le meilleur. Les riches ont engendré d’autres riches, les mineurs d’autres mineurs, ainsi vont les choses. Le grisou s’acharne encore et toujours sur ceux d’en bas. Longtemps, je me suis couché de bonne heure, avec la promesse des rêves à venir. Des rêves pour oublier l’âpreté de la vie, des rêves de monde meilleur. Ces chimères viraient au cauchemar quand la réalité de l’aube crue annonçait la dureté de la journée à venir. La vérité imparable du réveil chassait alors tous mes songes. Et un jour, les désirs deviennent vains. La vie devient machinale, les espoirs ne sont même plus déçus, ils ont tout simplement disparu. Les jours se lient, pareils les uns aux autres pour faire ce qu’il n’est pas décent d’appeler une vie. Longtemps, je me suis couché de bonne heure pour ne plus penser au fils qui ne remontera pas, à l’épouse dont les doigts ne me frôleront plus. Que vienne le sommeil et son puits sans fond d’oubli, qu’il fasse disparaître le désespoir, au moins pour un instant. La douleur du corps n’est plus qu’une lointaine amie, il ne reste que cette peine torturant l’âme et rongeant quelques restes d’humanité pour ne laisser que tristesse et amertume. Certains ont voulu changer les choses, réécrire les règles du jeu. La milice, rangée du côté du plus fort, a tiré. Les mineurs sont redescendus, le grisou est moins cruel. Les riches n’ont pas tremblé, ils savaient qu’ils avaient raison. Cela fait bien trop longtemps que je me couche de bonne heure. Je vais veiller ce soir, je vais lutter pour rester conscient. De mon vieux corps décharné, je vais extraire tous les souvenirs, les brandir un à un. Je vais m’en repaître, je vais rire aux éclats et me saouler de ces vestiges. Je regarderai mes mains tachées, je les écouterai me raconter le manche dur des outils et les tonnes de minerai arrachées à la terre. Je contemplerai une dernière fois le portrait des êtres chers. Je pleurerai sans doute. Puis je pourrai mourir. Et pour la première fois de ma vie, c’est sous terre que je me reposerai.
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| | | Auzelles
Messages : 4794 Date de naissance : 16/10/1949 Date d'inscription : 25/10/2017 Localisation : Entre Crau et Camargue
| Sujet: Re: L'historiette du jour... Lun 19 Mar - 6:41 | |
| L'historiette du jour : Le pouvoir des fous de Clément PaquisC'est un mardi matin, quelques instants avant le conseil des ministres, que Charles Bouvier décida de massacrer toute sa famille à l'aide d'une scie-circulaire. En une vingtaine de minutes, Bouvier réduisit en charpie sa femme, ses trois enfants ainsi que le chien. L'information fit scandale, si bien que le ministre de l'agriculture fut dépêché en catastrophe pour prendre la parole et ainsi répondre aux hurlements qui lui parvenaient des réseaux sociaux. - Lire la suite de l'historiette:
« Le gouvernement est profondément choqué par cet acte barbare, et nous sommes bien décidés à y répondre de la manière la plus ferme, notamment en procédant à l'interdiction immédiate, totale et définitive, des scies-circulaires à l'intérieur de l'Hexagone. » Sur les réseaux sociaux, on poussa un soupir de soulagement, puis l'on retourna traquer le chanteur, l'acteur, l'homme politique ou le présentateur TV à l'humour définitivement trop noir ou trop osé pour être conforme à ces valeurs progressistes qui sont les nôtres.
Deux mois plus tard, peu de temps avant que le président de la République ne rende hommage aux martyrs de la grande guerre, l'on apprit que Tarik Benboulian, trente-quatre ans, avait décidé de faire de la soupe avec les organes génitaux de son épouse, le tout assaisonné d'une poignée de romarin, de sel et d'huile d'olive. « Toujours les mêmes ! » hurla la droite des réseaux sociaux, demandant à ce que l'on rétablisse la peine de mort, la torture, et que l'on rouvre les bagnes pour y faire travailler à vie et dans la douleur ces fumiers d'assassins qui salissaient tout espoir d'appliquer un jour le vivre-ensemble à notre beau pays. Le secrétaire d'État à la gastronomie prit aussitôt la parole, assurant que le gouvernement n'allait pas en rester là, et allait édicter de manière imminente, une loi dévolue à réguler la vente d'huile d'olive, de romarins, et qu'une surveillance toute particulière serait appliquée afin de garder à l'œil les consommateurs d'herbes de Provence.
Lorsque trois mois plus tard, Jacques Grosbouillon assassina son voisin ainsi que toute la famille de ce dernier, arrachant leurs cervelles de leurs têtes pour en faire de la terrine de campagne, les réseaux sociaux tonitruèrent à l'unisson que c'était un scandale, et que le pouvoir avait vraiment intérêt à agir avant que le retour des années sombres ne se fasse sentir.
Le président de la République prit donc la parole en personne, et annonça qu'aucune mesure ne serait prise par le pouvoir. Devant les cris de protestations en provenance de l'Internet, il se dépêcha de préciser qu'il était déjà interdit depuis fort longtemps de se trouver en possession d'une cervelle sur le territoire de la République, et que cette loi avait été rigoureusement appliquée par le bon peuple de France.
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| | | Auzelles
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| Sujet: Re: L'historiette du jour... Mer 21 Mar - 7:23 | |
| L'historiette du jour : Ils sont là de Charles Grégoire n’était jamais là. Enfin, si, physiquement il était là mais on voyait bien qu’il était ailleurs. Je ne sais pas si vous me comprenez. Il semblait veiller en permanence sur un univers parallèle qu’il gardait farouchement. Ce jour-là, cela faisait tout juste 3 mois que nous partagions le même bureau, il s’était enfin livré : Grégoire communique avec les extraterrestres. Bon, on comprend qu’il n’en parle pas facilement... déjà qu’il a l’air un peu « space ». Je vous rassure, il ne voit pas de petits hommes verts. Il m’a dit juste percevoir des sons ou parfois seulement des vibrations qui ne sont pas d’origine terrestre. - Lire la suite de l'historiette:
— Et comment tu sais que ce n’est pas d’origine terrestre ? — Je le sais. C’est comme ça. J’en suis absolument convaincu. — Tu es un peu comme Jeanne d’Arc alors ? — Je ne sais pas si Jeanne d’Arc communiquait avec les extraterrestres. En tous cas, mes vibrations ne m’ont jamais demandé de bouter personne... Il se figea brusquement. Raides comme des piquets, ses bras étaient écartés et ses mains vibraient légèrement. Alors que je le regardais stupéfait, il fit entendre une petite voix étouffée tout en opinant de la tête. — Ils sont là. Tu vois que je ne raconte pas d’histoire. Je ne savais pas trop quoi lui répondre. J’ai finalement décidé de faire comme s’il était mon petit fils. — Oui Grégoire, je vois, c’est extraordinaire, ils doivent venir de très loin. A ces mots, il retrouva son état normal. Son visage s’assombrit et il prit un air agacé. — Comment tu le sais ? — Comment je sais quoi ? — Et bien, qu’ils viennent de très loin. — C’est bien connu, les extraterrestres viennent toujours de très loin. Grégoire ferma la porte et me regarda un peu comme quand, petit, me regardait ma grand-mère quand j’avais fait une bêtise. — N’essaie pas de jouer au plus fin avec moi. Cela fait longtemps que je t’observe, figure toi. Ces vibrations cosmiques, je ne les sens que depuis 3 mois. La sueur me vint tout à coup au front. Il me fallait de l’air et me dirigeais vers la fenêtre pour l’ouvrir mais Grégoire me barra la route. — Tu ne crois tout de même pas que tu vas pouvoir t’en aller comme ça ? Totalement désemparé, je décidais tout de même de garder mon calme. Heureusement, mon portable se mit à sonner, c’était ma sœur. — Salut Inès, tu tombes bien, je voulais justement... Sans me laisser le temps de poursuivre, Grégoire m’arracha rageusement le téléphone des mains. — Vous aussi vous êtes des leurs ? — Euh, je ne sais pas qui vous êtes ni ce que vous voulez dire, vous pouvez me repasser mon frère, c’est très important, notre père a eu un malaise. Un étrange sourire se dessinait maintenant sur le visage de mon collègue qui me repoussa alors que j’essayais de récupérer mon téléphone. — Tiens tiens... Votre frère s’est absenté, je lui transmettrai le message. Inès n’était pas femme à se livrer à n’importe qui, d’autant plus que l’affaire était délicate mais son mystérieux interlocuteur ne semblait pas disposé à lâcher l’appareil. Aussi, elle se décida pour un message crypté. — Eh bien, dites-lui que l’enfant qui n’a pas pu être a été retrouvé, il comprendra. Le visage de Grégoire était maintenant écarlate. Il posa l’appareil sur son bureau et se dirigea vers la fenêtre pour l’ouvrir mais cette fois, c’est moi qui l’en empêchai. 30 secondes plus tard, il était allongé sur le sol. Je m’asseyais sur une chaise pour reprendre mes esprits. Inès était toujours en ligne. — L’oiseau est maîtrisé. Il était coriace celui-là. Il faut que je fasse attention tout de même. Je vais finir par me faire repérer avec tous ces cadavres.
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| | | Auzelles
Messages : 4794 Date de naissance : 16/10/1949 Date d'inscription : 25/10/2017 Localisation : Entre Crau et Camargue
| Sujet: Re: L'historiette du jour... Jeu 22 Mar - 6:32 | |
| L'historiette du jour : Le jardin des fées de MusicamotsIl existe quelque part, dans un village tout près d’ici, un jardin extraordinaire connu de seulement quelques privilégiés. Ses propriétaires ont le cœur pur et l’âme singulière. Les fées (qui existent encore) aiment à y venir quand le jour s’achève. C’est l’instant où la lumière du soir inonde les près, se fond dans un horizon habillé d’or en fusion et de soie rosée. Le bleu de la nuit s’attarde un peu. Entre la lumière mourante et l’obscurité naissante, se dessine « le chemin des fées ». - Lire la suite de l'historiette:
Elles s’y éveillent doucement. Les imperceptibles vibrances de leurs ailes transparentes font naître une brise d’été, doucement parfumée. Pour être admis sur « le chemin des fées », il faut savoir s’émerveiller des petits bonheurs de rien. Voir s’ouvrir les roses, entendre les vagues des blés mûrs chanter sous le vent, connaître le gazouillis de la source au fond des bois, sentir sur sa joue le frôlement du papillon, et surtout, avoir gardé son « âme d’enfant ». Peu ont cette chance ! Les humains de ce jardin ont cette grâce, et la partagent, dans la douceur des soirs d’été. Dans ce jardin, il y a une maison. Chaleureuse, simple. Quand s’allume « le chemin des fées » portes et fenêtres s’ouvrent pour laisser jaillir une tribu de chats, de tous âges et de tous poils. Ils s’étirent, se toilettent soigneusement, baillent à qui peut le plus, dévoilent palais rose et dents aiguës. Puis, pelage lisse et brillant, ils sortent vivre, silencieux et discrets, leur nuit féline. Ils sont nombreux, et ont en commun un passé parfois difficile, qui ouvre au respect et à la tolérance. Les maîtres du logis sont accueillants. Toute vie trouve refuge si elle en fait la demande. Quelques récalcitrants ont parfois besoin de se faire un peu « forcer la patte » ! Mais la tendresse est toute puissante... Les deux chiens furètent à « truffe que veux-tu » et font, quand cela est nécessaire, leur travail de gardien, mais avec une motivation... qui manque un peu de motivation ! Visiter le jardin est un voyage ! Senteurs suaves, camaïeux de couleurs brusquement interrompus par des bouquets de fleurs ensauvagées, gourmandises de hasard... tout appelle au rêve... Le passé vit au présent. Les fées saupoudrent le sol de la poussière du souvenir. Il en faut peu. Quelques grains accrochés aux semelles de vos souliers, et soudain, au piquant d’un framboisier, l’esprit s’évade. Dans un élan imprévisible, les mondes de l’enfance dansent dans les regards, franchissent les lèvres en mots incertains, et tout soudain, coulent les rivières enchanteresses aux tourbillons des souvenirs. Tout un petit monde, d’ordinaire fort guerrier, vit en paix dans une liberté totale. Les deux chiens ne chassent pas les chats, les chats côtoient fraternellement les poules, et les poules retiennent leurs becs, s’il arrive que chiens ou chats s’approchent de trop près. Il y a bien quelquefois de petits incidents... Les territoires peuvent avoir, en fonction des populations, des limites fluctuantes, et leurs habitants des doses de patience très variables. L’intérêt devient alors de la curiosité, et la curiosité, comme chacun sait, est un vilain défaut chez la gent animale... comme chez les êtres humains. Trop de curiosité peut parfois aboutir à des conséquences... étonnantes ! Les fées ont à l’égard du jardin qui les abrite, quelques menus devoirs : trouver le mélange des parfums qui fait tourner la tête des amoureux, ourler, d’une main légère, les pétales de roses, donner aux perles de la rosée du matin l’éclat du diamant. Elles savent, mieux que personne, « faire neiger le pommier », emperler la toile de l’araignée au brouillard de l’automne, faire chanter la terre sous la soc de la charrue. Elles sont discrètes, et savent laisser à l’homme l’illusion « qu’il sait tout ». Dans l’heure qui s’avance, « le chemin des fées » s’ouvre à la nuit. C’est l’instant troublant où les rêves des hommes se préparent à chevaucher l’univers, pour y inscrire des mondes improbables, assouvissent désirs et délires. Au chant des souvenirs, s’inscrivent des ombres légères. La trace de leurs pas, qui ne s’efface jamais, n’est pourtant visible qu’au cœur de ceux qui les ont tendrement aimés, quand le privilège précieux de la vie leur était encore accordé. Elles ne s’éloignent pas. Leur mission est amour et protection. Dans l'ombre installée, les papillons de nuit s’en donnent « à vol joie ». Leur seul souci est d’éviter la patte vive des chatons. Il faut bien que jeunesse se passe. Les rossignols enroulent leurs trilles aux notes de musique, et accompagnent le piano qui offre, par la fenêtre ouverte, le mélodie du bonheur. Bercées par le vent, les fées s’endorment dans les roses. La nuit s’est installée si doucement que personne ne l’a vue venir. Demain est un autre jour.
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| | | Auzelles
Messages : 4794 Date de naissance : 16/10/1949 Date d'inscription : 25/10/2017 Localisation : Entre Crau et Camargue
| Sujet: Re: L'historiette du jour... Ven 23 Mar - 6:11 | |
| L'historiette du jour : Disparue de AliciaUne vraie mer intérieure, avec ses archipels, ses plages, ses bancs de sables. Mais aussi ses tempêtes où bien des navigateurs avaient fait naufrage. Je n'avais pas réussi à me lever, je lisais un vieux guide sur la Suède. Les formules toutes faites et les clichés touristiques réussissaient à me distraire un peu de ma poisseuse mélancolie. Cette phrase, qui décrivait le plus grand lac du pays m'avait remuée. Renvoyait-elle à mon propre naufrage ? En tout cas, j'eus le déclic et je pris ma décision. - Lire la suite de l'historiette:
Forcément, le lendemain, nous étions lundi. Mais cette fois, j'avais la patate, le plus beau lundi de ma vie. La jouissance que ce fut de voir mon boss devenir aussi blanc que ses chemises sur mesure. Ma démission lui faisait de l'effet. Notre duo était bien rodé. Ça le mettait manifestement dans l'embarras de devoir se chercher une nouvelle victime. J'eus un petit pincement pour mes collègues, je les aimais bien au fond. Mais l'idée de ne plus avoir à déjeuner au self tous les midis fut d'un réconfort suffisant pour ne pas pleurer.
Je n'ai pas vraiment réfléchi, je me suis dit que Léa et Manon et même leur papa comprendraient. Paul adorait discuter avec les mamans en attendant l'ouverture de la grille, préparer des crêpes pour le goûter, jouer à cache-cache dans le salon. Ce genre de choses qui m'échappaient. J'ai laissé une lettre sur la table de la cuisine.
J'ai ouvert le placard sous l'escalier, j'ai fouillé un peu pour retrouver le sac à dos et la tente que je n'avais jamais sorti de l'emballage. Achetés sur Amazon il y a deux ans. Un coup de tête : le bandeau publicitaire, « La légèreté c'est la liberté » avait déclenché le clic et le paiement. L'ensemble était conçu pour des coureurs solitaires souhaitant couvrir un parcours dans la nature, sur plusieurs jours, en toute autonomie. Fut une époque, je courais souvent, j'avais même commencé la préparation pour l'ultra trail du Mont Blanc. Et puis avec la naissance des enfants, j'avais laissé tomber tout ça. Juste un petit footing le dimanche matin et encore, s'il ne pleuvait pas.
En ne prenant que le strict nécessaire, on était censé pouvoir courir sans gêne avec ce sac sur le dos, la tente au fond, quelques vêtements, un tapis de sol et de quoi manger pour plusieurs jours. La notice expliquait comment optimiser et faire « la chasse aux grammes ». Le moment était venu de voir si j'avais fait un bon achat.
Et c'est ainsi que je me suis retrouvée, seule, en Suède, en pleine forêt, au bord du lac Värnen.
On me demande souvent comment je remplissais mes journées. C'était simple, je me levais, me préparais mon thé, je mangeais. Puis je m'habillais, je pliais la tente, chaussais mes baskets, et je partais courir. Pas de petit déjeuner à préparer, pas de dispute pour le choix du dessin animé, ni de chaussures à retrouver sous le canapé. Je courais vingt kilomètres par jour au début, le temps de me mettre en jambe. Et au fil des semaines, je courais toute la journée. Le long du lac, à travers la forêt, avec l'odeur des bouleaux. Parfois, je courais pieds nus, histoire de reconnecter mes pieds et mon cerveau, les sensations que c'étaient. Le soir, je cherchais un coin pour planter ma tente, je dînais et j'allais me coucher. Dans le meilleur des cas, je dormais toute la nuit.
Je courais sans musique, attentive à mes pieds, mes genoux, mes articulations... Je pensais beaucoup. Tout se mêlait, sans ordre, ni cohérence, je revoyais toutes mes courses, les bonnes, les mauvaises, les blessures, mais aussi des recettes de cuisine, des échanges tendus en réunion, mon mari, mes enfants, des textes de Laura Kasischke, des souvenirs enfance effrayants. Et où j'allais dormir le soir. Et à mon frère aussi. Qui lavait sa voiture deux fois par semaine, qui était vendeur dans un magasin de bricolage. Qui avait fait construire sa maison, qui avait posé le carrelage lui-même, qui était mort deux ans auparavant. Qu'avait-il accompli ?
Parfois, je rencontrai des gens. Comme ce couple de motard qui faisaient le voyage qu'ils s'étaient promis de faire avant la naissance de leur fille. Elle venait d'avoir 18 ans. Ils parcouraient leur pays, me parlaient de la lumière particulière de la région du Värmland, de la présence envoûtante du lac. Ensemble, nous avons grillé des saucisses sur un barbecue public. Ils avaient eu la patience d'attendre pour tracer la route. Moi, j'avais fui mes responsabilités dans ce coin de Scandinavie.
Le plus dur fut les blessures, un genou très douloureux, qui m'a empêché de courir pendant dix jours. Et puis les jours de pluie, quand rien ne sèche. Un trou dans la tente, la nourriture qui manque, le froid qui empêche de dormir. Mais ça faisait partie de l'aventure.
Un jour, il avait plu toute la journée, j'ai croisé Helke, femme d'un certain âge aux longs cheveux bouclés, d'un gris sublime. Intriguée par mes baskets, c'est elle qui m'aborda. Elle avait couru de nombreuses années, et puis un jour, au 33e kilomètre du marathon d'Oslo, elle s'était arrêtée, se disant « A quoi bon ? » Nous avons sympathisé, elle a proposé de m'héberger pour quelques jours, le temps que la pluie se calme. Elle habitait une maison aux murs framboises, sur l'île de Brommö. Elle m'y emmena sur son bateau. Tous les clichés du guide suédois semblaient réunis chez elle. La déco à la fois épurée et chaleureuse, le vieux poêle à bois, les senteurs de cannelle. Elle ne parlait pas beaucoup et passait son temps à tricoter. Je lui demandais de m'apprendre. Le point mousse pour débuter, puis des points plus audacieux, des constructions originales, des montages provisoires, l'art des rangs raccourcis. Mon esprit se calma, complètement absorbé par cet apprentissage. Mes pensées passaient l'une après l'autre, comme des nuages.
Quand je quittais Helke, elle m'offrit trois écheveaux de laine très douce, d'un bleu profond. C'est alors que je décidais, après avoir disparu pendant trois mois, de finalement de rentrer chez moi.
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| | | Auzelles
Messages : 4794 Date de naissance : 16/10/1949 Date d'inscription : 25/10/2017 Localisation : Entre Crau et Camargue
| Sujet: Re: L'historiette du jour... Sam 24 Mar - 7:36 | |
| L'historiette : pas d'historiette aujourd'hui, juste un hommage au gendarme décédé Attaques terroristes dans l'Aude: le lieutenant-colonel Arnaud Beltrame est mort L'homme de 45 ans avait échangé sa place contre celle d'un otage durant l'attaque du Super U de Trèbes. AFP TERRORISME - Le lieutenant-colonel Arnaud Beltrame, qui s'était proposé comme otage auprès du jihadiste auteur des attaques dans l'Aude, est mort des suites de ses blessures, a annoncé ce samedi 24 mars le ministre de l'Intérieur Gérard Collomb. "Jamais la France n'oubliera son héroïsme, sa bravoure, son sacrifice", a écrit le ministre sur Twitter à propos de ce gendarme de 45 ans qui s'était proposé comme otage à la place des personnes retenues par Redouane Lakdim, auteur des attaques dont le bilan s'élève désormais à trois morts. "Le lieutenant-colonel Arnaud Beltrame nous a quittés. Mort pour la patrie", a ajouté le ministre de l'Intérieur. "Le coeur lourd, j'adresse le soutien du pays tout entier à sa famille, ses proches et ses compagnons de la gendarmerie de l'Aude." Lire la suite...[/center] |
| | | Auzelles
Messages : 4794 Date de naissance : 16/10/1949 Date d'inscription : 25/10/2017 Localisation : Entre Crau et Camargue
| Sujet: Re: L'historiette du jour... Dim 25 Mar - 8:03 | |
| L'historiette du jour : Fou rire aux obsèques de FKIJ’avais treize ans. Mon frère aîné, deux ans de plus. Un jour, par une chaude journée d’été, alors que je faisais des tours de vélo dans notre quartier, j’aperçus mon frère déboulant comme une furie pour m’annoncer que notre paternel, retenu par d’autres obligations, nous envoyait le représenter à l’enterrement de l’un de ses amis. Bigre ! - Lire la suite de l'historiette:
Dans notre apprentissage de la vie sociale, j’avais le rôle le moins difficile. C’est sur mon frère que retombait la plus grande responsabilité de ces usages. Je suivis donc sans trop me poser de questions, d’autant qu’avec mon père il ne fallait pas s’amuser avec les règles de civilité.
Alors que nous portions des shorts et des sandales quelques heures auparavant, nous voilà tous deux engoncés dans des vêtements de circonstance cherchant désespérément la maison du défunt dans un quartier qui nous était totalement étranger. Je me contentais de me laisser guider par mon frère qui commençait à paniquer à l’idée de rater la cérémonie et de devoir affronter la colère du vieux. À un moment, il finit par se renseigner auprès d’un passant qui lui indiqua le chemin. Nous arrivâmes en sueur devant une modeste villa aux murs décrépis. Mon frère poussa le portillon et nous traversâmes un jardin dans lequel une petite assemblée d’hommes conversait silencieusement à l’ombre d’un énorme figuier. Mon frère murmura un salut et poursuivît jusqu’à la porte d’entrée qui était grande ouverte. Je le marquais tant et si bien à la culotte que je lui rentrais dedans quand il s’arrêta sur le seuil. Il me bougonna un juron par-dessus l’épaule et avança d’un pas timide dans le couloir. Du salon attenant sortit un monsieur qui fut surpris de trouver en face de lui deux adolescents. Mon frère déclina l’identité de mon père mais le monsieur n’en manifesta aucune considération. Sans chercher plus à comprendre, il nous invita à nous asseoir dans le salon où se trouvaient déjà une vingtaine de personnes, alignées en rangs d’oignons contre les murs. À notre vue, un silence complet emplit la pièce. Je n’avais pour seul horizon que le dos de mon frère que je suivais comme son ombre. Pour notre chance, on trouva deux chaises inoccupées sur lesquelles on s’empressa de se poser. La personne assise à côté de moi me demanda de qui nous étions les enfants. Je me retournai vivement vers mon frère qui me sauva encore une fois. Mais notre identité n’eut pas l’air d’exciter, une fois de plus, la curiosité de notre interlocuteur. Quand enfin les regards convergèrent vers d’autres directions et que la conversation feutrée emplit de nouveau la salle, mon frère se pencha discrètement vers moi et me souffla à l’oreille : « On s’est gourés, on n’est pas au bon endroit ». Sur le moment, je me sentis fondre sur ma chaise. Mais très vite je sentis que des convulsions irrépressibles annonçant un fou rire montaient en moi tel un torrent dévastateur. Je n’osais pas regarder mon frère qui devina l’imminence d’une catastrophe. J’enfouis alors mon visage dans mes mains et me penchai vers le bas pour essayer de contenir mon trouble. Alors, mon frère me donna un coup de coude pour me pousser à lever l’ancre. On sortit d’un pas énergique mais sans affolement. S’il n’avait tenu qu’à moi, j’aurais pris mes jambes à mon cou mais mon frangin me barrait sciemment le passage pour éviter le désastre. À peine le portail franchi, nous dévalâmes la rue dans une course folle en laissant exploser notre hilarité. J’en avais mal aux côtes. Néanmoins, l’idée d’affronter notre père le soir eût pour effet de stopper net le comique de cette méprise. Mon frère décida qu’on ferait comme si tout s’était bien passé. Pour passer le temps, nous nous sommes permis de faire une balade en ville, ponctuée de fous rires et de moments de crainte. Le soir venu, cela ne rata pas, il nous demanda les détails de la cérémonie. Mon frère essaya de répondre le plus évasivement possible sans trop donner de détails. Alors, je ne sais quelle mouche me piqua, peut-être le désir insensé de prendre pour une fois l’initiative, je lui transmis le bonjour d’un de ses copains dont j’avais miraculeusement retenu le nom. Il fut agréablement surpris et me félicita. Mon frère me regarda avec des yeux exorbités et resta sans voix. Moi, j’étais fier de leur avoir joué un mauvais tour à ces deux-là.
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| | | Auzelles
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| Sujet: Re: L'historiette du jour... Lun 26 Mar - 6:46 | |
| L'historiette du jour : L'appel de la lande de GaranceIl est très tôt en ce petit matin de juillet, mais l’horizon forme une ombre comme un fantôme venu d’outre-tombe. Sur cette terre sauvage peu de gens osent s’aventurer ; par peur. Peur de ce qui n’est pas et ne sera sans doute jamais. Fantôme en sa demeure. Il faut dire que les histoires vont bon train dans cette petite bourgade de 200 habitants. Des histoires d’hommes et de femmes qui ne sont jamais revenus. Des histoires d’hommes et de femmes qui un jour, conscients de l’étau qui enserrait leur vie ont pris le risque de l’inconnu, de l’invisible, du « pourquoi pas ? ». - Lire la suite de l'historiette:
Dans ce petit village du nom de « Grisemine » on ne s’en va pas non, on reste, on fane, on flétrit, on déserte nos cœurs et les âmes pleurent la vie qui s’en va. Il est trop tôt pour passer de vie à trépas. Le glas nous éloigne du chant de l’oiseau et du regard de l’ange. Les fées ne se cachent elles pas dans le frémissement des ajoncs le chant de la bruyère et le vent qui tournoie ? Dans le mystère de la brume qui tapisse la lande et l’aurore qui chaque matin éclot comme la fleur et l’enfant qui vont naître ? Éclore... éclore, il s’agit bien de cela, éclore. Casser la coquille protectrice qui nous retient pour s’aventurer dans la vie, pénétrer l’horizon, rencontrer ce fantôme qui au loin nous appelle, parcourir la lande, y mettre des couleurs, danser avec le vent, s’enfoncer dans la brume et y jouer à cache-cache. Puis s’étonner sans cesse de l’aurore naissante, pénétrer le secret des ajoncs et rencontrer les fées. Mais pour cela, il faut quitter Grisemine, il faut s’aventurer dans la lande mystérieuse. Avoir peur certes, mais traverser, regarder en avant, ne plus se retourner et allonger le pas avec audace et élégance de ceux qui vont, de ceux qui aiment.
En ce petit matin, en plein cœur d’un village endormi, une ombre se faufile. C’est Dame Coquelicot qui quitte le village, emportant avec elle quelques vêtements chauds et quelques nourritures pour ce nouveau départ. Un dernier regard vers Grisemine puis un pas en avant... puis un pas... puis un pas. Il n’est plus le temps du retour, la Vie morte est derrière, à Grisemine, en deçà de la Lande. Dame Coquelicot s’éloigne et pénètre la brume, retrouve des couleurs et disparaît au loin. Qui sait ? Elle est peut-être cette ombre et ce fantôme, qui au loin, là où la brume fait peur, nous invitent au voyage...
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| | | Auzelles
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| Sujet: Re: L'historiette du jour... Mar 27 Mar - 8:18 | |
| L'historiette du jour : Le grand concours de Aurélie RodriguezComme tous les millénaires, les Grands Mages se réunirent à nouveau, lors de la troisième Lune, pour célébrer le mille-et-unième Grand Concours des Mages. Comme à l’accoutumée, chacun y allait de sa petite création ou de son invention farfelue. On sentait néanmoins depuis les cent dernières éditions du concours que la créativité s’essoufflait ; le jeu commençait à perdre de sa superbe. Oui, bien sûr, Ilsidor inventerait une nouvelle machine, non pas à remonter le temps, mais à l’étirer ; évidemment, Huldegur renchérirait avec sa potion de vie éternelle et enfin Xéfalon ferait éclater les planètes en feu d’artifice avant de les transformer en fleurs. - Lire la suite...:
Tout cela faisait sourire mais n’émerveillait plus l’assemblée. On était las des inventions extraordinaires et des spectacles grandioses. Le spectaculaire était devenu banal et le miraculeux franchement ennuyeux. Les participants, lassés, s’apprêtaient déjà à repartir quand Brikebaruk s’avança au centre du cercle. - Attendez, chers amis... J’ai eu une nouvelle idée cette année. Tout le monde soupira. On les connaissait bien ses inventions farfelues : le sang pétillant dans les veines lors du dernier concours, l’oxygène en barres goût chocolat le millénaire précédent ; un système de camouflage géant pour la Terre au milieu de la Voie Lactée encore avant... toutes ces histoires ne faisaient plus rire. Pourtant, lorsque Brikebaruk présenta son objet au milieu de cercle, un grand silence se fit. - Qu’est-ce que c’est que ça ? - Que c’est beau ! s’exclamèrent certains. - Que c’est laid ! corrigèrent d’autres. - C’est une nouvelle source d’énergie ? - Pas vraiment, répondit le mage. - Est-ce que ça permet d’inverser le cours du temps ? - Pas du tout. - Ça fait rire ? - Pas franchement. - C’est solide ? - Non plus. - Mais, est-ce que c’est utile ? - Absolument pas. - Et comment s’appelle cette chose ? - Je l’ai appelée « l’Homme ».
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| | | Auzelles
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| Sujet: Re: L'historiette du jour... Mer 28 Mar - 8:28 | |
| L'historiette du jour : Beaujolais nouveau de Saint-Maure t’ai parlé de mon fils ? Oui, à la tienne Francis. Non il n’a pas pu venir. Il a dix huit ans. Bonsoir Monsieur le Directeur. Un vrai gaillard. J’en suis fier, oui très fier. Et puis gentil avec ça, toujours prêt à aider. Non pas trop quand même. Pas plus haut que le bord. Merci. Il faut que je rentre après ça. Oui. Mon fils. Et puis avec sa mère, toujours aux petits... excuse-moi, tchin tchin Georges, oui ! les yeux dans les yeux, à toi aussi... soins, aux petits soins avec sa mère. - Lire la suite de l'historiette:
Hmm, encore un peu jeune, mais il a déjà du corps. Oui mon fils, tout juste dix-huit ans et il me dépasse oh... tiens salut Jacques, je ne savais pas que toi aussi... bien de deux têtes. Pour le regarder en face je dois monter sur un tabouret. Oh non ! pas avec vous patron... merci beaucoup. À la vôtre aussi... mon fiston, s’il me voyait. Juste un petit dernier alors... dix huit ans, je te l’ai pas déjà dit ?... Ah bon, il voudrait bosser dans l’électrique... ou non, attends... l’électrotechnique ! Non... regarde l’heure !... Non, ou alors pas autant, sûr les cacahuètes ça fait tout passer. Non, je sais, c’est ça, c’est l’électronique. Pas vu grandir. Plus grand que moi ? Mon petit ? D’au moins deux têtes maintenant !... enfin j’imagine... Ah, c’était un beau discours... Va pour le coup du destrier... de l’étrier... je me rappelle jamais. Mon fils ? Eh bien quoi mon fils ? Ah oui... et capable de réparer un ascenseur... enfin un qui marche pas... Sûr qu’y peut... enfin... c’est ce qu’y voulait faire... non, je ne vais pas partir sur une patte... à la tienne ! Tu parles on dirait qu’y m’en pousse de partout... et si mon fi... parti... non parti !... mais non, pas dans l’ascenseur ! Avec sa mère !... à l’autre bout de la ter... dix huit... dix-huit ans... enfin je crois... pour l’ascenseur... je sais pas... partis tous les deux... deux trois ans... c’est ça, à la santé des absents... non, j'arrête cette fois ! Eux ?... ah eux ! Je ne les vois plus... ni l'un ni l'autre... plus du tout... mon petit...
Non ! Ce coup-ci j’y vais !...
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| | | Auzelles
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| Sujet: Re: L'historiette du jour... Jeu 29 Mar - 7:44 | |
| L'historiette du jour : Tentation à l'Ermitage de Félix LabetouleJ’ai vingt ans et j’étouffe dans une petite ville du sud-ouest de la France. Je pars alors pour une traversée du Sahara avec mon seul sac à dos. À Gardhaïa, le hasard me fait rencontrer dans la médina le conducteur d’un camion de dattes qui part pour Tamanrasset, soit une traversée de plusieurs jours. Avec le chauffeur, il y a trois hommes en cabine. Parfois je suis debout sur le plateau arrière, le nez au vent au-dessus de la cabine, parfois je suis assis sur un sac de dattes. Nous roulons sur une piste où alternent des reliefs et de plates étendues de pierre et de sable. Le soir sous les étoiles, et malgré un feu alimenté avec du bois transporté dans le camion, les nuits restent froides en ce mois de mars : aussi pour dormir je fais un trou dans le sable et je me glisse avec mes deux pull-overs dans une djellaba en toile épaisse. - Lire la suite de l'historiette:
À Tamanrasset, commence la confrontation avec mon véritable rêve. Je voulais devenir moine ou ermite. J’étais fasciné par la vie de Charles de Foucauld qui s’était en son temps retiré en son ermitage, sur le plateau de l’Assekrem, à quatre-vingt kilomètres au nord de Tamanrasset. Un véhicule peut m’y conduire mais seulement jusqu’à mi-parcours. Il me faudra donc rejoindre l’ermitage à pied. Je pars avec mon sac à dos garni de bouteilles d’eau, de dattes, de figues et de sucre.
Le premier mot qui me vient à l’esprit est celui de pureté du désert qui me renvoie à un état quasi identique de pureté intérieure, de nettoyage, de disponibilité spirituelle. Je comprends aussi pourquoi le désert est le domaine tout désigné de l’émotion religieuse. C’est une expérience singulière que cet état intérieur d’attente d’une révélation. Ce qui me bouleverse le plus, c’est l’absolu silence. Et le silence, c’est une possibilité de paroles. Je suis face à une immensité océanique, je sens que l’occasion m’est donnée d’aller vers mon immensité intime. Il y a sous mes yeux un énorme discours avec l’essentiel, un accord fondamental avec le monde et avec ce miroir que le désert me propose. La nuit est une présence éblouissante d’étoiles passées au vernis tant elles scintillent. Je n’ai jamais vu un tel ciel. Il me donne ma première et définitive leçon de modestie. Mais la nuit, certaines pensées me tourmentent : je vois des dunes rondes comme des seins et le sable est une peau. L’ermitage du père de Foucauld est une simple bâtisse posée sur un plateau rocheux. Il comporte une pièce de vie au confort plus que rudimentaire avec son oratoire attenant. Face à l’ermitage, des pics de roche noire émergent de gigantesques pierriers, comme des pénitents au regard charbonneux marchant vers leurs cendres.
Comment peut-on vivre ici dans un dénuement aussi extrême, dans une solitude qui dépasse l’entendement, sans abandonner à Dieu la plus grande part de soi-même, sans s’abîmer en lui, sans risquer sa propre destruction au milieu d’illuminations, de visions, d’hallucinations ? J’avoue être admiratif et sidéré, bouleversé, mais touché par le doute face aux mortifications de la chair et en quelque sorte de l’âme. Sur le chemin du retour, je marche en compagnie de mon ombre et des tourments de la chair qui malgré moi me gouvernent. Je réalise que se joue le combat de Dieu et du démon. Ce feu qui à vingt ans me dévore est en train de choisir pour moi : je ne serai ni moine ni ermite. Il me faudra donc vivre en mon désert intérieur, en mon espace désencombré, en mon propre ermitage en le construisant chaque jour en moi-même, pierre par pierre. Mais au milieu des hommes.
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| | | Auzelles
Messages : 4794 Date de naissance : 16/10/1949 Date d'inscription : 25/10/2017 Localisation : Entre Crau et Camargue
| Sujet: Re: L'historiette du jour... Ven 30 Mar - 7:12 | |
| L'historiette du jour : De l'autre côté de Writeria« Je serai quand même bientôt tout à fait mort... Enfin. » Le désespoir de la vie transgressait à travers chacun de mes mots. L’infirmier à mon chevet, qui jusque-là n’avait fait aucun geste, fronça les sourcils d’un air désapprobateur. Il me tendit un verre d’eau tout en énonçant de son savoir médical : — Vous n’allez pas mourir Monsieur Eriksen, vous avez encore de beaux moments à vivre ! — Au diable. Quatre-vingt-neuf putains d’années que je troue la couche d’ozone, je ne soufflerai pas cet nonuple décade. — Mais votre fam... — Vous avez vu quelqu’un s’approcher à moins de dix mètres depuis que je suis ici ? Je suis trop vieux pour avoir des parents hors du cimetière, ma sœur est une connasse qu’il fait bon ne pas rencontrer et jamais une péronnelle m’a passé la corde au cou, enfin au doigt... - Lire la suite de l'historiette:
Mimant la dernière heure d’un pendu, je rigolai quand le petit jeune leva les yeux au ciel, mais bien vite une quinte de toux me fit renverser une partie du verre dans ma main et me rappela qu’il n’était plus temps à ces gamineries. Plus que quelques minutes, je le sentais... La fin, bientôt. Le jeune Tom, de son original nom, s’avança vers moi et mit sa main sur mon front. Sa grimace fut aussi subtile qu’un coup dans les valseuses. Il voulait me garder en vie, plus que moi-même je n’aurais dû. Mais il ne se doutait pas du cadeau que ce sommeil tant attendu me ferait.
— Approche p’tit, plus près... Voilà... Je peux maintenant compter les minutes qu’il me reste sur nos deux mains, alors je vais te révéler une chose qui va changer ta vie. Tu... Avant ça, es-tu croyant ? — Croyant ? s’étonna Tom, n’ayant jamais vu le vieil homme se tourner vers n’importe quelle religion. — Oui, la messe, les rabbins, Shiva et toutes ces conneries. — Eh bien, j’ai été baptisé, mais je n’ai jamais vraiment cru que... — Bien. Chacun peut croire ce qu’il veut, mais ça va grandement nous faciliter la tâche. Bon, quand tu étais gosse, tu as sans doute entendu parler de l’Enfer et du Paradis... — Oui. — Des conneries. Quand tu meurs, tu meurs. Il ne faut pas essayer de croire qu’un bonhomme du haut de son nuage va trouver ta gueule sympa et te fait monter au ciel. Le seul moyen d’y accéder c’est de bais... — D’accord ! D’accord j’ai compris. Mort c’est mort. Plus rien après. — Est-ce que j’ai dit ça ? — Mais... — Laisse tomber. C’était une mauvaise idée...
Fatigué, j’ai clos le débat avant même qu’il ne puisse rechigner. Mes yeux suivirent ma bouche, et je m’endormis sans même reposer le verre tenant encore en équilibre sur mes genoux. Quand je rouvris les yeux, j’étais seul dans la chambre et le soleil semblait être parti se coucher également. Je restai quelques instants bercé par le son des machines autour de moi et par le goutte à goutte d’une poche de liquide transparent relié à ma veine. Tout ce bordel alors que j’aurais pu être tranquillement chez moi, dans mon fauteuil et avec une petite bière.
Le lit vide à ma gauche indiquait que mon ancienne colocataire avait fait le grand saut depuis ce matin. Et mon heure tardait et tardait. J’avais bien cru à la fin toute à l’heure, mais il semblait que j’étais trop pressé. Je repensai à cette Gisèle à côté, si effrayée de partir. En vérité, les gens ont peur d’être oublié, voilà tout. Comment aurais-je pu avoir peur d’être oublié alors que personne ne me connaissait ? À part Gisèle. Pendant six jours. Mais elle était morte, alors ça ne comptait pas vraiment. C’était peut-être pour ça qu’on mettait tous les vieux dans les mêmes chambres : histoire qu’ils partagent leur solitude avant d’y mettre définitivement un terme.
Mu par une force que je croyais disparue depuis bien longtemps, j’ouvris le tiroir de la table de chevet et sortis une feuille vierge ainsi qu’un stylo plutôt récalcitrant. La feuille pas si vierge, contenait des chiffres et diagrammes biscornus au dos, peut-être un papier important pour mes soins... De toute façon j’allais crever, alors qui s’en foutrait ! D’une écriture bancale à cause du manque de support, je griffonnai sur le papier, mes pensées sans aucun filtre.
« Mourir c’est... c’est franchement la meilleure chose qui puisse t’arriver. Faut pas avoir peur de vivre ta vie, mais tu vas te fatiguer et ça, crois-en mon expérience c’est le plus chiant. Avoir un corps qui ne suit pas ton esprit... Autant avoir une putain de bagnole de course et devoir pédaler pour avancer. Ne te fais pas avoir. Personne ne te le dira, car personne n’est jamais revenu pour te le dire, enfin, c’est ce que l’on croit. Ouvre ton esprit gamin ! La mort, c’est juste un pont. Oui, un pont, qui part de ta vie et t’amène à une deuxième vie (si ce mot peut s’appliquer dans l’autre monde), qui a l’air beaucoup mieux ! Je vérifierai ça bientôt, par moi-même. Ne te demande pas comment je le sais, ce n’est pas important (et tu ne me croirais pas). Dis-toi simplement qu’avoir peur de la mort c’est stupide et inutile, car au final, tu quittes un monde pourri pour un bien meilleur. Les débiles qui ont inventé cette idée de « monde meilleur » pour leur soi-disant paradis, ne pouvait pas mieux tomber. Comme quoi la religion peut dire autre chose que des conneries... Sans le faire exprès. Je ne vais pas continuer pendant cent ans, bon Dieu que je ne voudrais pas rester aussi longtemps en vie... Simplement, je ne te dis pas adieu, mais à plus tard. On se reverra une fois que tu seras mort (sachant la vérité, tu peux même souhaiter que ça arrive le plus tôt possible). Emile Eriksen »
Une fois la lettre achevée, je pliai la feuille et deux et inscrivis le nom de « TOM » sur un côté. Un courant d’air glaça la chambre et, me tournant vers la fenêtre, je remarquai que celle-ci était bien fermée. Un sourire passa sur mon visage. Je pris le bout de papier entre mes mains et les installai sur mon ventre, le corps allongé et droit, puis j’inspirai profondément et expirai. Pour la dernière fois.
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| | | Auzelles
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| Sujet: Re: L'historiette du jour... Sam 31 Mar - 6:43 | |
| L'historiette du jour : Ma fée de VolsiJ’ai capturé une fée ! Ah non... non, non, non... ça, c’est la version pour faire le malin auprès de mes copains. Mais en réalité, j’ai recueilli une fée. Elle était là, les ailes froissées, les traits tirés sur le rebord de ma fenêtre. J’ai d’abord cru à un oiseau, un petit passereau qui se serait cogné au carreau et serait tombé étourdi. Parce qu’étourdie, ça, elle l’était et puis transie aussi. En cet hiver qui s’éternise, il ne fait pas un temps à mettre une fée dehors. Pourtant, elle était là. Comment ? Pourquoi ? Je ne sais pas. - Lire la suite de l'historiette:
J’ai chaussé mes lunettes, sans elles, je n’y vois pas bien et j’ai regardé de plus près. Ce n’était pas une mésange bleue comme je l’avais d’abord supposé à cause de ce petit chapeau qu’elle avait sur la tête et de sa robe jonquille ou mimosa (enfin jaune quoi ! Je n’y connais pas grand-chose en couleur de fleur) masquée en partie par son manteau gris souris. Elle semblait un peu groggy, le froid l’avait un peu bleuie. Ses tremblements ne cessaient pas et elle avait la chair de poule – plutôt une chair de poussin fille : elle était petite –, elle semblait fragile, alors, j’ai ouvert la fenêtre.
Je me suis inquiété, j’ai cru qu’elle était morte. Je l’ai prise doucement dans ma main, elle respirait. Je me sentais un peu empoté, c’était ma première fée, je ne savais pas trop comment il fallait s’y prendre. Je me suis assis dans mon canapé et, pour la réchauffer, j’ai mis ma deuxième main en couvercle, en écartant un peu les doigts pour qu’elle ait de la lumière et assez d’air, et j’ai attendu. J’avais envie d’une cigarette mais... il fallait que je m’occupe de ma fée. Ma fée... Je crois que c’est en me faisant cette réflexion, à ce simple possessif qui s’est imposé malgré moi, que je me suis dit que je m’attachais déjà.
Immobile, j’ai attendu. Je suis patient, c’est une de mes forces.
Au bout d’un certain temps, un léger mouvement a chatouillé ma paume, j’ai déplié mes doigts et je l’ai surprise en plein bâillement, bouche grand ouverte. J’ai souri. C’est étrange le son du bâillement d’une fée, comme un pépiement grave. Elle m’a regardé et m’a asséné, effrontée : « Oui, je ne mets jamais ma main devant la bouche. Je bâille comme ça, bouche grand ouverte, si ça ne te plait pas je peux partir ! » Je crois qu’elle était vexée d’être prise sur le fait. C’est susceptible une fée. J’ai dit « d’accord » et puis « non, non ». Je me suis rendu compte que ma réponse n’était pas claire alors j’ai repris : — Tu peux bâiller comme tu veux. — Oui ! Je bâille comme je veux ! Fais-moi chauffer un peu de lait mais pas trop chaud et mets-le dans une tasse un peu plate. Pfff... j’espère que tu as une tasse un peu plate.
Je me suis dit qu’elle avait du tempérament et qu’elle aurait pu dire « s’il te plait » mais qu’après tout, je ne connaissais pas les conventions en vigueur chez les fées. J’ai ouvert le grand bahut et je lui ai montré différents modèles de tasse. Elle a choisi un ramequin finalement. J’ai fait chauffer un peu de lait. Elle était déçue que ce soit du demi-écrémé, elle m’a demandé de rajouter un peu de crème dedans et un peu de cannelle aussi. Je me suis exécuté. Puis j’ai versé le liquide parfumé dans le ramequin. Elle a plongé la main dedans : « Merci, il est juste chaud comme j’aime. » Elle a ôté son chapeau, enlevé son manteau mais quand j’ai vu qu’elle s’apprêtait à dégrafer sa robe, je lui ai chuchoté : « je te laisse, je vais fumer une cigarette sur le balcon ». Elle m’a alors adressé un grand sourire, un de ceux qui chavirent et m’a répondu « OK ».
Quand je suis revenu, le ramequin était inhabité, la robe, le manteau, le chapeau et la fée disparus mais un peu de lait sur la paillasse dessinait un « merci » tracé à la pointe du pied.
J’ai recueilli une fée et chaque matin, quand je me prépare un café, je jette un œil au rebord de la fenêtre... je suis patient. C’est une de mes forces.
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| | | Auzelles
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| Sujet: Re: L'historiette du jour... Dim 1 Avr - 6:28 | |
| L'historiette du jour : Le lapin de Pâques de Winfried Wolf— Les lapins de Pâques, ça n’existe pas ! Du moins, beaucoup de gens le pensent. Ils disent : — Un lapin est un lapin, qu’il soit dans son clapier ou dans les champs. Il ne sait pas pondre d’œufs. Alors, comment pourrait-il en apporter pour Pâques ? - Lire la suite de l'historiette:
D’ailleurs, un lapin ne sait pas ouvrir une porte ou sauter au-dessus d’une clôture. Et où trouverait-il un panier pour transporter ses œufs si toutefois il en avait ? De plus, tous les lapins ont peur des hommes ! C’est triste, mais c’est comme ça ! Pourtant, ce serait merveilleux si tu imaginais un lapin de Pâques rien que pour toi. Le voici déjà ! Il a plus au moins ta taille et de belles, longues oreilles. Il est déjà habillé d’un costume de toutes les couleurs et sur son dos, il porte un petit panier dans lequel il y a tous tes cadeaux. Il vient chez toi ! Il traverse des prairies, des bois et bondit au-dessus des ruisseaux. Oh ! Voilà un renard qui tente de le rattraper. Mais le lapin n’est pas du tout effrayé. — Je suis le lapin de Pâques, lui dit-il calmement. — Oh, alors je te présente toutes mes excuses ! lui répond le renard. Ton lapin arrive dans un petit village. Un chien accourt en aboyant à tue-tête. Mais quand il voit que c’est le lapin de Pâques, il frétille joyeusement de la queue. Le lapin de Pâques enjambe les haies, traverse des jardins et arrive enfin au seuil de ta porte. Il enfonce la pointe de l’un de ses longues oreilles dans la serrure en tournant très doucement et très prudemment. Ça y est ! La porte s’ouvre. Maintenant, il cache les œufs et des tas d’autres petits cadeaux qu’il a apportés. Et quand tu te réveilleras le dimanche de Pâques et que tu trouveras les œufs, tu sauras avec certitude que… c’est ton lapin de Pâques qui a apporté tout cela ! Il a fait cette longue route rien que pour toi. Et c’est le plus beau lapin de Pâques du monde car toi seul, tu l’as imaginé !
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| | | Auzelles
Messages : 4794 Date de naissance : 16/10/1949 Date d'inscription : 25/10/2017 Localisation : Entre Crau et Camargue
| Sujet: Re: L'historiette du jour... Lun 2 Avr - 8:33 | |
| L'historiette du jour : Balade entre deux mondes au bord de l'eau de Merlin28Je suis Merlinéa, immortelle gardienne des secrets du petit peuple. Mes enfants : les fées, lutins et autres farfadets... Pour la saison d’été vous pourrez, selon mon bon vouloir, me trouver le long de l’Eure dans le vieux Chartres, entre la collégiale Saint André et l’église St Pierre. Pour ceux qui ne le savent pas, Chartres se situe à l’emplacement de la légendaire forêt des Carnutes, célèbre pour ses réunions de druides. Nous sommes le 1er Mai, c’est la fête de Baltane, seul moment de l’année pendant lequel le monde des mortels peut nous voir. La période est idéale, les lumières de Chartres battent leur plein et la magie opère. Je dois, lors de cette nuit, choisir celui qui aura le privilège d’être mon partenaire. Il devra être sans attaches, avoir le cœur pur et l’esprit ouvert. - Lire la suite de l'historiette:
Mon terrain de chasse : la cathédrale.... J’aime me fondre dans le vitrail de Notre Dame de la Belle Verrière ou Vierge Bleue, je peux voir sans être vue et ce choix n’est pas anodin, le secret tant convoité du bleu de Chartres m’appartient et c’est la couleur de mes yeux. Ce que je peux vous en dire : c’est un subtil mélange d’alchimie et de techniques ancestrales. L’amour inconditionnel que je porte à cet édifice en est la clé. Un jeune homme, la trentaine style archéologue ténébreux, sûr de son charme, s’arrête devant le vitrail, il est subjugué par l’intensité du regard de Notre Dame et a l’impression qu’elle le regarde. Il ne me voit pas... pas encore. J’ai trouvé mon partenaire. Je quitte le vitrail sous une forme éthérée pour me placer derrière lui et le frôler, je lui murmure « suis-moi !... » Un doux parfum l’interpelle... J’en appelle aux fées, simples libellules à ses yeux pour lui tourner autour dans un ballet aérien plein de grâce et de légèreté. Afin d’aiguiser sa perception et le rendre plus réceptif, elles le guident jusqu’au centre du labyrinthe. Une vague de chaleur passe sur lui, il en frissonne, ferme les yeux pour savourer l’instant. Lorsqu’il les rouvre, ma silhouette est en face de lui, certes immatérielle, une simple aura, mais cela le bouleverse. Il tend la main mais elle se referme sur du vide, il fait un pas... Commence alors un jeu de piste dans les jardins de l’évêché, c’est plus fort que lui, il doit avancer, il veut comprendre... Arrivé à la collégiale Saint André, il perçoit de la musique, des rires et des voix, en se penchant sur le pont, un amphithéâtre se dessine sur l’eau... on y joue « Songes d’une nuit d’été ». Mais c’est impossible ! Il ferme les yeux... Je glisse alors ma main dans la sienne et lui murmure « regarde ! », il les rouvre et la scène est toujours là... Ce pont est un passage vers le monde du petit peuple, mon royaume, une fois qu’il l’aura franchi nous serons tous réels à ses yeux... encore quelques pas... Je pose mes lèvres sur sa main et lui intime d’avancer... Il arrive au bout du pont, j’ai rompu le contact mais deux écureuils malicieux ont pris le relais (deux farfadets en réalité) qui, par leurs pitreries, arrivent à lui faire franchir les derniers mètres. Il pose enfin ses pieds de l’autre côté. Et là, comme par enchantement, tout devient clair... bizarrement cela ne le surprend pas et me conforte dans mon choix. Une naïade lui montre la rivière, il s’avance, c’est le moment que je choisis pour sortir de l’eau, je suis entièrement nue, ma beauté lui coupe le souffle. Chaque goutte illuminée par le soleil caresse ma peau et épouse mes formes généreuses... je lui tends la main en lui souriant. Il me rejoint, je suis face à lui, mes longs cheveux cuivrés cachant à peine ma nudité, je le noie dans mon regard, il ne peut plus reculer, il est mien... Je pose alors mes lèvres sur les siennes et recule lentement dans l’eau, nous nous enfonçons sous la surface... Le décor change de nouveau : un immense palais de cristal prend vie devant ses yeux, je l’y conduis. Où qu’il pose son regard tout n’est que grâce et volupté, autour de lui le petit peuple batifole, n’oublions pas que c’est la fête de Baltane, nuit où tout est permis... J’emmène mon bel amant dans mes quartiers privés, un lit immense à baldaquin trône au milieu de la pièce. Dans la pièce attenante, un grand bassin de pierre dans lequel se jette une cascade invite à la baignade. Nous nous y rendons, aucun mot n’est nécessaire, un regard, un geste suffit. Tandis que je pénètre dans l’eau, il se déshabille, son corps est parfait et promet bien des plaisirs. Il me rejoint, la décence veut que je jette un voile pudique sur ce qui suit, il est juste question de passion, de caresses, de soupirs... Je suis sûre que votre imagination fera le nécessaire... Au petit matin, tout ceci a disparu, seul un grand cygne blanc nage à la surface de l’eau... du jeune homme aucun signe... Alors si d’aventure, un soir de 1er Mai vous vous aventurez près du lavoir Saint Hilaire, vous entendrez, peut être les amours du petit peuple et les miens....
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| | | Auzelles
Messages : 4794 Date de naissance : 16/10/1949 Date d'inscription : 25/10/2017 Localisation : Entre Crau et Camargue
| Sujet: Re: L'historiette du jour... Mar 3 Avr - 6:36 | |
| L'historiette du jour : Brouillard de BerndtdasbrotDepuis la nuit des temps, c’était ainsi. Bien avant même l’existence des clones et de Google. Un rite incontournable pour chaque homme. Un passage. Pas d’âge défini pour s’y mesurer ; juste être prêt. Prêt à affronter le brouillard moite et épais qui pénètre l’abîme de votre cortex. Rejoindre l’autre versant où attendrait, peut-être, un soleil qui perce de ses rayons le lac équanime. Certains n’osaient l’affronter et se terraient dans les galeries souterraines, où la lumière ne peut vous mutiler. Derrière des fenêtres où défilaient des vies et des envies. Les vies d’avant, celles des autres, des chimères, des mensonges et des ténèbres. Ils pouvaient toucher du bout des doigts ces écrans magnétiques et impénétrables. Toucher du bout des doigts leurs rêves et les vivre par mimétisme. - Lire la suite de l'historiette:
Le froid paralysait ses mains et brûlait ses oreilles. Bernie n’osait plus ouvrir sa bouche pour respirer, le givre pénétrait au plus profond de sa gorge et gelait ses amygdales. Ses jambes continuaient d’avancer, mécaniquement. Bernie ne comprenait même pas quel moteur avait pu l’entraîner ici, dehors, à courir en plein hiver. Des peupliers squelettiques tremblaient de froid et retenaient d’un fil leurs branches de verre. Un chien galeux le suivit sur quelques mètres, avec l’espoir que cette silhouette instable daigne le regarder, et pourquoi pas le caresser. Bernie ne le vit pas. Depuis longtemps, ses yeux étaient clos. Depuis cinq ans, peut-être. Les pilules amères et colorées, et ce sentiment, comme une seconde peau, d’être un intrus dans sa propre enveloppe charnelle. Personne dans ce chemin désert, et c’est mieux ainsi, pensa Bernie. Juste une voix, qui sifflait dans le vent et lui soufflait d’avancer. S’arrêter ici serait mourir. Le froid, la tristesse et la peur. Plus Bernie courrait, plus la brume se dissipait. Des signes de vie, des signes de mort. Un vent frais fouettait sa face. Trois sensations caressaient la peau de Bernie. Le rire de Lo qui renverse les ombres et cicatrise les blessures. Les siennes et celles des autres. Le visage picoré par les taches de rousseur. La douceur, la caresse de Tina. Son souffle chaud et rassurant qui véhicule l’altruisme. La tendresse pour effacer les blessures. Les siennes et celles des autres. Les allégories de Marie. Elfe aux yeux de velours qui diffuse dans les esprits des légendes et des mythes pour masquer les blessures. Les siennes et celles des autres. Bernie accéléra. La sueur perlait sur son front, gouttait sur ses paupières, glissait dans ses pupilles et l’aveuglait. Un coquelicot fendait d’un rouge écarlate la grisaille ambiante. Bernie se méfia. Comment la vie pourrait-elle réapparaître aussi simplement ? Il savait que ce ne pourrait pas être aussi simple. Sinon il l’aurait su avant. C’est ridicule. Face à face dans leurs fauteuils, elle lui avait dit simplement : — J’ai vu dans la noirceur des prisons, les hommes m’avouer leurs monstruosités. J’ai senti la honte et la douleur, le crime et le fiel. Elle avait ouvert un petit carnet, un carnet d’écolier. — Alors je vous écoute. Qui êtes-vous ? Et il avait pensé qu’il ne pourrait pas répondre à cette question. Les primevères de son père habillaient les talus. Sans les toucher, il se rappela le velours de leurs parures. En allié, un soleil timide tentait de percer la brume. Bernie ralentit sa course et leva le visage vers le ciel pour sentir la chaleur du rayon solaire. Son corps était chaud à présent et il ne parvenait déjà plus à ressentir le froid qui l’avait habité. Dans les champs, les tournesols pivotaient à son passage pour suivre sa course folle. Des papillons bigarrés claquaient des ailes pour imprimer un rythme et s’évanouissaient en feu d’artifice. Artifices. Ceux du monde qui le cernait. Artifice des mots, des gestes. Artifices qu’il tentait de fuir, et pour ce faire : traverser le brouillard. Un virage sec, un tapis de feuilles moelleux et orangé. Ses pas ne résonnaient plus dans sa tête en martelant le sol. Une certaine légèreté l’habitait à présent. Des champignons, polis et distingués, soulevèrent leurs chapeaux en guise de salut et d’encouragement. Plus sensuelles, les châtaignes entrouvrirent leurs bogues pour laisser apercevoir leur fruit. Les araignées recouvraient de barbapapa haies et talus. Et le rire de Lo, et le souffle de Tina, et les mots de Marie. Quelques cotons de flocon s’évadèrent des nues. Le brouillard cédait déjà. Ce n’était que ça ? Pourquoi avoir tant attendu ? Pourquoi n’avoir pas osé ouvrir les yeux ? Pourquoi s’être tant de fois heurté au mur ? Pourquoi avoir cherché la fuite dans les mensonges ? Mensonge. Les siens, moteur et gouvernail. Mensonge du monde, dans les mots, les mains serrées et dans chaque geste. Traverser le brouillard pour abandonner ces mensonges derrière lui. Une longue descente comme un tapis roulant. Bernie se laissa glisser. Plus besoin de mouvoir ses jambes. Le tapis l’emportait. Il avait à peine souffert, quelques bosses pour le retarder, une certaine attraction pour l’entraîner à faire demi-tour, les écrans lustrés pour le rappeler, comme un aimant. Des fleurs aux odeurs de guimauve, des écureuils aux yeux noisette. La tendresse d’un conte. Sentir l’odeur de la légèreté. Légèreté. Un trésor enfoui. Une richesse interdite dans les postures hiératiques exigées et incontournables. Et le rire de Lo, et le souffle de Tina et les mots de Marie. Il ferma les yeux. Se demanda si la ligne d’arrivée serait matérialisée. Un drapeau à damier ? Faudra-t-il continuer à courir ? Un spectre vert se dessina dans le ciel, se lova dans le ciel noir. Un feu follet violet l’enlaça et dansa dans ses bras. Des fantômes qui glissaient et envoûtaient la voûte. Il s’arrêta, essoufflé, les mains sur les genoux. Des aurores boréales, des fées au zénith. Les voix, le souffle et le rire. Il respira profondément. C’est là.
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| | | Auzelles
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| Sujet: Re: L'historiette du jour... Mer 4 Avr - 7:00 | |
| L'historiette du jour : Angélique de ABIl suffisait à Angélique de porter une jolie robe cintrée et de se farder légèrement. Elle traversait ensuite le salon pour se positionner devant la fenêtre. Elle faisait alors mine de regarder les petits jouer à la balle. Angélique savait que certains hommes la regardaient et imaginaient ce à quoi elle devait ressembler nue. Cela l’amusait beaucoup, même si elle avait trop de morale pour se laisser coucher n’importe où. Pourtant, ces dernières semaines, cela n’était plus aussi drôle. Elle avait pris un an de plus : dix-sept ans. Et cela impliquait qu’elle allait devoir se mettre sérieusement à penser au mariage et à la procréation. De plus, elle avait vu le beau jeune homme, celui sur lequel elle fantasmait parfois, se marier avec une de ses cousines. D’ailleurs, il était dehors à jouer avec les enfants. Juste sous ses yeux. - Lire la suite de l'historiette:
— Angélique, est-ce que je peux vous ennuyer quelques instants ? — Oui. — Je voudrais vous présenter mon fils. Il a votre âge à quelques années près et vient d’acquérir une belle maison dans le centre. — Avec plaisir. Angélique n’était pas à proprement parler une beauté. Elle avait juste des atouts féminins bien proportionnés : un sourire espiègle et rouge avec de belles dents blanches alignées, une poitrine généreuse mais pas trop, une taille fine, des hanches bien dessinées, un postérieur un peu rebondi et le pied petit. Elle savait marcher sur de jolis talons et adorait se pencher en avant lorsqu’elle saluait ces messieurs. Elle avait une grâce et une distance qui plaisaient beaucoup. — Enchantée, dit-elle au fils Gresson. — Tout le plaisir est pour moi. Angélique se laissa conter la vie du jeune homme pendant plus de trente minutes puis se fit excuser. Elle alla boire un verre d’eau à la cuisine et jeta encore un regard vers l’extérieur. Il était toujours là. Il était riche (en tout cas son père était en affaire avec le roi) et il avait un sourire ravageur. Angélique se disait parfois qu’il aurait suffi que tous deux se rencontrent une fois pour que ce soit d’elle dont il tombe amoureux. Pourtant, elle savait que tous les mariages étaient arrangés et donc qu’il n’avait pas dû choisir sa cousine comme épouse. Il jeta un regard vers la fenêtre et l’aperçut. Elle lui fit un petit signe de la main auquel il répondit avec hésitation. Son père avait beau être riche et côtoyer les hautes autorités françaises, c’était un étranger. Angélique s’imaginait sûrement, bêtement, qu’il l’emmènerait dans son pays, loin du gris-gris français. Toutes les jeunes filles imaginaient une vie d’aventures avec lui alors qu’il allait rester coincé ici avec une femme qu’il connaissait à peine et un emploi pour son père. Angélique revint dans le salon et sourit au fils Gresson. — Il est mignon mon fils hein ? lui chuchota le père en enfouissant presque sa bouche dans le cou d’Angélique. — Très, oui. — Je sais que les jeunes filles comme vous se fichent de la beauté et de tous ces attraits de mode. Mais je suis assez fier de ce qu’il est devenu. Et ce n’était pas gagné avec moi, n’est-ce pas ? — Voyons, que dites-vous ? — Ah Angélique, vous êtes la perle rare dont il a besoin. — J’en serais honorée. Que dire ? Il fallait bien qu’elle se trouve un mari et au moins avec le pater familias Gresson, elle aurait un certain poids. Le mariage fut célébré. Angélique eut le sourire qu’il fallait et que l’on attendait d’elle. Puis, elle s’installa dans la belle maison du fils Gresson.
Les années s’écoulèrent ainsi entre devoirs féminins et éducation des enfants. Elle n’avait jamais eu l’occasion de rencontrer le mari de sa cousine, celui-là même qui lui avait fait frôler le sentiment amoureux, celui dont parlaient les troubadours. Elle l’apercevait de temps en temps aux repas de famille mais de très loin. Ce ne fut qu’au décès de sa tante, la mère de sa cousine, qu’Angélique eut le plaisir de voir cet homme de plus près. Il venait de passer la matinée avec son épouse auprès du corps de sa belle-mère. Il avait besoin de prendre l’air. Lorsqu’il sortit au jardin, il tomba nez à nez avec Angélique. Elle le salua, du même petit geste qu’elle avait eu des années plus tôt d’une fenêtre. — Je me souviens de vous, dit-il. Il avait un fort accent et une voix très sombre. Elle avait toujours imaginé qu’il était doux et cultivé voire même distingué. — Moi aussi, dit-elle. — Je suis fatigué de veiller les morts. Pas vous ? — C’est notre façon de leur rendre hommage. Ce n’est pas une contrainte pour moi. — J’admire votre dévotion. Puis il s’éloigna vers le fond du jardin et Angélique entra dans la maison. Elle avait imaginé tant de choses toutes ces années. Finalement, il n’était pas mieux que son propre mari ; tout au plus un peu mieux bâti et au visage plus harmonieux. Le soir même, tous deux eurent encore l’occasion de bavarder. Après le souper, ils se croisèrent dans ce même jardin. Il lui raconta sa vie en Orient. Tout ce qui lui manquait de son pays et de ses coutumes ; des gens qu’il avait connus toute sa vie et quitté du jour au lendemain. De la femme qu’il avait laissée derrière lui parce que son père avait eu d’autres projets pour lui. Angélique en eut le cœur serré pour lui. Elle, elle n’avait jamais connu l’amour alors elle ne savait pas trop ce qu’elle avait perdu. Sa curiosité avait enfin été rassasiée concernant cet étranger alors elle prit congé. Le lendemain matin, au moment de repartir chez elle, elle eut un geste de coquetterie qu’elle n’avait pas eu depuis des années. Elle serra plus fort son corset pour affiner sa taille et laissa bouffante ses dentelles sur sa poitrine. L’effet fut presque le même que celui de sa jeunesse. Les hommes ne la quittèrent pas des yeux et se remirent à nouveau à l’imaginer nue. Elle en fut ravie.
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| | | Auzelles
Messages : 4794 Date de naissance : 16/10/1949 Date d'inscription : 25/10/2017 Localisation : Entre Crau et Camargue
| Sujet: Re: L'historiette du jour... Jeu 5 Avr - 7:59 | |
| L'historiette du jour : La femme de ma vie de SourireJ’en étais sûr, c’était elle, la femme de ma vie. Dans ce bistro de la banlieue nord, j’attendais l’heure de mon prochain rendez-vous en buvant un café. Le patron me jetait un œil torve, trois cafés en deux heures, la recette ne lui permettrait pas de s’envoler vers les Seychelles. Je n’avais pas trouvé moins cher que cette eau chaude à l’arrière-goût de chicorée. Pour arrondir mon ordinaire, je menais des enquêtes d’opinion sur la fin programmée du sac plastique dans notre civilisation. Sinon j’étais étudiant, une filière incertaine mêlant l’espéranto et les grandes migrations sous la Renaissance. Mon père avait levé un sourcil sceptique lorsque je lui avais fait part de mon choix mais, seul pour m’élever depuis mon plus jeune âge, il faisait de la liberté le fondement de mon éducation. Sous la porte disjointe, un vent coulis s’infiltrait, qui me glaçait les reins. Dehors le crachin épaississait l’horizon dentelé de cheminées éteintes dont le reflet tanguait dans les flaques fangeuses. - Lire la suite de l'historiette:
J’allais me lever quand elle a poussé le battant. J’ai d’abord aperçu son nez parsemé de taches de rousseur au-dessus de l’écharpe écossaise qui la bâillonnait. Le béret assorti dissimulait à cet instant sa chevelure de feu relevée en chignon. Un manteau de drap noir cintrait une taille fine et les bottes en vernis moulaient ses jambes fuselées. Je tournais nerveusement ma cuillère dans la tasse vide. Une brûlure de forge souffla de mes orteils à mes oreilles, irradiant tous les replis de mon corps, chaque cellule, le moindre atome de mon anatomie. Je n’avais jamais ressenti une telle chaleur, pas une goutte de sueur, je me consumais de l’intérieur. Le soleil au zénith au milieu du Sahara semblerait de glace. D’une voix frêle, c’est à peine si elle murmura, elle commanda un chocolat chaud – une boisson enfantine qui lui va bien, me suis-je dit. Elle enleva son béret et dans un geste arrondi, elle ôta aussi le peigne en écaille qui retenait son chignon, laissant déverser une luxuriante cascade auburn. Je ne respirais plus, au loin anges et putti me faisaient signe, m’invitant à les rejoindre de l’autre côté. Lorsqu’elle m’a souri, j’entamais la longue marche dans le tunnel luminescent que décrivent si bien les revenants. Et spectre parmi les fantômes, je répondis d’un rictus, la conviant à ma table d’un mouvement maladroit de mes doigts gourds. Une muse me tenait par le bout du cœur, j’en étais certain. Notre histoire commença ce jour-là. Six mois intraduisibles, fût-ce en espéranto. J’étais libre comme l’air, dégagé d’une relation insipide dénuée de cicatrice, prêt pour le grand saut, celui qui laisse exsangue, qui vous prend tout. Je disais oui aux éclats de rire, au sel des larmes, à la fureur, à la folie. La vie était une fête. Un tourbillon. Une farandole. J’acquiesçais avant qu’elle ne suggère, j’anticipais ses désirs en gestation, je ne m’appartenais plus et c’était bon. De son côté, elle me confia que libre, elle ne l’était qu’à demi. Certaines nuits, un homme partageait son lit. Une relation au goût d’inachevé qu’elle ne parvenait pas à clore. Peur de faire mal. Confort de la routine. Ambivalence teintée de lâcheté. Je ne voyais que les mèches de soie fauve qui m’ensorcelaient, ses seins d’opale, la courbe de ses reins et j’oubliais que je pourrais souffrir, n’écoutant que la moitié émergée de ses paroles, celle qui me convenait. Mes doigts émerveillés caressaient le satin de sa peau, explorant gorges et vallées, lorsque l’idée me vint de la présenter à mon père. Puisqu’elle allait devenir ma femme devant Dieu et les hommes, le premier de ma vie devait faire la connaissance de cet être d’exception que j’allais bientôt épouser. J’avais revêtu mon jean propre et jeté le seul pull de ma penderie sur une chemise blanche, pour faire officiel. Elle portait une robe céruléenne striée d’ivoire dans sa diagonale. J’ai pensé à la Sainte Vierge en souriant tant le souvenir de nos ébats m’éloignait de l’image pieuse. Tout en elle resplendissait, son teint de porcelaine pailletée, son regard humide, un peu triste, vite démenti par son sourire nacré, et les boucles qui encadraient un visage à l’ovale parfait. Mon père nous attendait pour le déjeuner. Après m’avoir consulté, il avait décidé de préparer son célèbre gratin dauphinois accompagné de sa non moins illustre pintade aux olives. Il ne connaissait qu’un plat mais le cuisinait bien. Le soleil était au rendez-vous lui aussi, et nous étions en plein fou rire en sonnant à la porte. Je racontais à la femme de ma vie mes dernières trouvailles historiques – comment la migration des grands singes avait influencé la mode féminine au seizième siècle –, quand il ouvrit. En retrait derrière moi, essuyant l’eau de ses yeux pers, elle ne vit ni l’homme livide se retenant au chambranle, ni la pintade s’envoler du plat au milieu d’une myriade d’olives gluantes de sauce. Elle ne sentit pas davantage les effluves de gratin brûlé, nous n’étions pas en avance. Je compris alors que l’homme qui partageait aussi ses nuits était mon père, mon héros, le frère que je n’avais jamais eu, mon ami de toujours. Je réalisai enfin pourquoi elle avait tant de mal à quitter son amant, un homme bien. Je lâchais la bouteille de Bourgogne qui m’avait valu un mois d’enquêtes, éclaboussant le plastron de ma chemise blanche. Les larmes nuancées d’incarnat comme autant d’impacts sur mon cœur saignant.
Je ne sais ce qu’elle est devenue. Et je saisis parfois dans le regard de mon père comme une ombre de tristesse.
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| | | Auzelles
Messages : 4794 Date de naissance : 16/10/1949 Date d'inscription : 25/10/2017 Localisation : Entre Crau et Camargue
| Sujet: Re: L'historiette du jour... Ven 6 Avr - 7:06 | |
| L'historiette du jour : Beau comme un camion de ErnestinemontblancC’est le premier son de sa journée – le premier qu’elle attend –, le premier dont elle se souvient. La rue qu’elle habite est calme, éclairée. Il n’y fait jamais nuit : pas de recoin pour s’y cacher, pas d’impasse pour exercer un trafic. La nuit, la rue dort. Paisiblement. Chantal en écoute le silence ; elle n’a pas sommeil, seulement quelques heures, jamais les mêmes, qui la surprennent après qu’elle a résisté longtemps. A six heures donc, passe le camion-poubelle. Il y a quelques mois, quand elle travaillait le matin, elle sortait exactement au moment où il passait devant chez elle. Avant de le voir, elle l’entendait, tandis qu’elle rangeait ses clés dans son sac. Il faisait un bruit énorme, qui envahissait toute la rue, mais ne lui faisait pas peur du tout. C’était comme un ronronnement bienveillant. - Lire la suite de l'historiette:
A l’intérieur du camion, il y avait deux hommes, assis haut dans la cabine ; à l’extérieur, deux autres qui sautaient avec agilité, s’emparaient des poubelles, les vidaient puis les remettaient en place à toute allure, avant de grimper à nouveau sur une sorte de marchepied. Chantal adorait ce ballet matinal. Surtout depuis que le conducteur, un matin lui avait fait un petit signe de la main ; elle y avait répondu par un sourire. Depuis, le passage du camion non seulement lui faisait comprendre qu’elle était à l’heure, mais aussi qu’elle avait un ami, pas très bavard, perché dans sa cabine, dont le sourire était comme une caresse. Le mercredi, parce qu’elle ne travaillait pas, il lui manquait terriblement. Bien sûr, elle entendait le camion, mais il n’était pas question de se lever plus tard ce jour-là ; quelque chose la retenait d’aller à sa fenêtre, ou de sortir pour acheter le pain. Au fond, elle préférait que son intérêt pour le conducteur restât secret ; il vaut mieux ne pas trop dévoiler ses sentiments. Elle aimait qu’ils soient plutôt de douces habitudes. Et peu lui importait qu’à quelques rues de là une autre femme sorte, elle aussi à heures fixes, et que l’éboueur la saluât, du même geste de connivence. Chantal était un ensemble : une femme, un lieu, une heure, qui le temps du bref salut appartenait au chauffeur. C’était si fort qu’elle était incapable de décrire les collègues de son bien-aimé. Il n’y avait que lui, et cette main qui se levait, toujours joyeuse. Quelques mois après, Chantal change d’horaires de travail, et c’est la catastrophe. Elle commence l’après-midi et finit si tard le soir que même la perspective d’apercevoir le camion ne suffit pas à la faire se lever plus tôt. Elle en pleurerait de rage. Cette petite trahison de son corps lui rappelle qu’elle n’est plus toute jeune. Sinon elle serait debout, quelle que soit l’heure à laquelle elle se serait couchée la veille. « Lui aussi après tout, songe-t-elle, est un homme mûr. » Au visage un peu poupin, aux yeux rieurs derrière les lunettes. C’est le plus âgé de l’équipe, trop vieux pour les cabrioles de l’arrière du camion. Chantal se morfond. Quand un matin, alors qu’il est au moins dix heures, elle aperçoit le camion en allant faire ses courses. Elle pense d’abord que c’est un autre véhicule et se reproche son emballement. Mais l’engin avance et se dirige vers elle ; la main familière s’agite : c’est lui ! Chantal exulte. Son sourire n’est plus timide, il est franc, massif. C’est qu’elle fait de ses retrouvailles un signe du destin. Qu’elle soit seulement à quelques centaines de mètres de chez elle et que le matin ne soit pas fini, ne l’effleure pas : pour elle, le camion l’a retrouvée... au bout du monde. Dès lors elle fait confiance au hasard et croise son amoureux régulièrement. Parfois elle n’est pas toute seule, accompagnée d’une amie ou d’un de ses petits-enfants. « C’est bien, pense-t-elle, il apprend ma vie sans que je lui parle. » Elle ne cherche pas à en savoir plus sur son ami : toute sa vie, elle en est sûre, est contenue dans le camion. Comme ses enfants, petits, qui pensaient que les maîtresses dormaient à l’école, Chantal est sûre que l’homme à la main qui sourit a un corps de géant et que c’est le camion. Ses arrêts incessants tout au long des rues sont comme le souffle d’un ogre. Qui loin de l’effrayer, la protège et la rassure. L’étrange amour de Chantal grandit. Elle ne jette plus les sacs dans la poubelle, mais les pose délicatement. Elle veille, en cachette du gardien, à ce que les poubelles soient toujours propres, une marque de respect pour le métier de son bien-aimé, les lave tous les jours, les sèche et les fait briller. Elle a réécrit au feutre noir les lettres de l’adresse. En aucun cas les poubelles ne doivent se perdre. Et c’est vite arrivé avec les valets de l’ogre, ces feux-follets qui dansent autour du camion et les lancent vides, violemment sur le trottoir. Elle voudrait leur demander d’aller moins vite, de stationner plus longtemps devant son immeuble, quand elle les regarde d’en haut, discrètement. Mais l’amour n’a pas le pouvoir de ralentir à ce point le rythme des choses. Chantal sait qu’elle doit aller plus loin, prendre l’initiative d’exposer ses sentiments. Son homme attend, du haut de sa cabine. Cette main qui s’agite, ce sourire qui lui est adressé n’ont jamais failli. Ils exigent une réciproque. Mais laquelle ? Son amoureux ne peut descendre de son habitacle. Il y est vissé, inamovible. Alors Chantal a une idée. Un matin, elle entre dans une poubelle. Tout à l’heure, enfin, elle sera à l’homme qu’elle aime.
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| | | Auzelles
Messages : 4794 Date de naissance : 16/10/1949 Date d'inscription : 25/10/2017 Localisation : Entre Crau et Camargue
| Sujet: Re: L'historiette du jour... Sam 7 Avr - 6:48 | |
| L'historiette du jour : Entre les ombres de CharlesJe n’ai plus de nom. J’en avais un avant, mais il a fini par perdre sa substance. Il n’est plus qu’un nom commun pourvu d’une vague signification. Ils m’appelaient l’Ombre. Vingt ans que je fais ce métier, que je la protège. Elle a vieilli et est encore belle, mais la jeune génération commence à l’oublier. Elle n’avait pas d’activité politique particulière, ne défendait aucune cause alors, en dehors des fans et des paparazzis, ma vie n’était pas passionnante. - Lire la suite de l'historiette:
Aujourd’hui, personne ne la menace plus, la presse people s’en désintéresse et mon activité consiste principalement à écarter de rares prétendants un peu trop déterminés, sauf si elle s’intéresse à eux, bien entendu car pour ça, elle n’a pas changé, elle s’en lasse très vite, deux semaines en moyenne. Le plus endurant a fait deux mois. C’est que j’ai mes statistiques, j’entretiens bien mes tableaux Excel. Dans les années 90, quand elle faisait encore partie du star-system, c’était autre chose. On me voit sur toutes les photos, un peu en retrait, c’est vrai, mais le rôle de l’ombre n’est pas d’être dans la lumière. J’étais fier de mon statut et pour rien au monde, je l’aurais échangé contre un autre. Je suis devenu l’ombre d’une chanteuse qui n’est plus que l’ombre d’elle-même. Elle est toujours belle, c’est vrai, mais je ne suis pas vraiment objectif, elle a pris du poids, ses seins tombent. Ça aussi je l’ai noté. Elle plaît toujours aux hommes, mais ce n’est plus la bousculade d’avant et aujourd’hui, c’est souvent elle qui part à la chasse. Pour tout dire, je sens que je ne suis plus d’aucune utilité, mais elle continue à me payer. Parfois, elle a un peu du mal, les recettes ne sont plus les mêmes et il manque quelques billets dans l’enveloppe. Je fais semblant de ne pas m’en apercevoir. Il serait peut-être temps pour moi de lui faire mes adieux pour enfin voler de mes propres ailes. Je ne suis pas encore trop vieux, mais dans dix ans, ce sera trop tard. Je ne partirai pas, j’ai trop peur de lui faire du mal. Je suis tout ce qui lui reste, le dernier vestige de sa gloire déchue, elle ne supporterait pas mon départ, et moi non plus. Je ne connais qu’elle. Enfin, le verbe connaître n’est peut-être pas approprié. Connaître ses déplacements, son régime alimentaire, identifier des agresseurs potentiels, ce n’est pas vraiment connaître. Ce n’est que depuis quelques années que je la vois autrement, que j’observe ses silences, que je guette ses sourires, que je me démène pour la satisfaire, que je lui fais des petits cadeaux... Elle aussi semble me voir autrement, plus vraiment comme une ombre je dois dire. Elle me pose des questions sur mes goûts, sur ma mère... Je ne me souviens plus comment on en est arrivé à coucher ensemble. C’est venu tout naturellement et c’est rapidement devenu une habitude. Je suis inquiet tout de même. Il y a un mois, elle a reçu un mail qui l’a beaucoup marquée. Elle s’est remise à chanter sous la douche, cela faisait des années que ça ne lui était pas arrivé et la semaine dernière, elle m’a dit qu’elle voulait dormir toute seule. J’ai entendu la porte d’entrée s’ouvrir au milieu de la nuit ainsi que des rires étouffés. Il est parti au petit matin. C’est pour ça que j’ai jeté son PC par la fenêtre. Elle était furieuse et m’en a beaucoup voulu, mais le soir, elle est revenue radieuse avec un PC flambant neuf. Elle ne me parle plus de cet incident, mais je sens bien que quelque chose s’est brisé. Elle va me quitter.
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| | | Auzelles
Messages : 4794 Date de naissance : 16/10/1949 Date d'inscription : 25/10/2017 Localisation : Entre Crau et Camargue
| Sujet: Re: L'historiette du jour... Dim 8 Avr - 6:28 | |
| L'historiette du jour : A plusssss... de MomeElle court. Tous les jours, par tous les temps, elle court. Comme si elle était poursuivie. Comme si sa vie en dépendait. Elle court pour ne pas se laisser rattraper par l’âge, par ce chiffre qui se profile à l’horizon... Elle court contre les années qui la marquent au fer, elle s’entraîne avec une rage dévorante... - Lire la suite de l'historiette:
Le ciel est céruléen, le printemps bruit de toutes ses voix, il est plein d’offrandes, elle ne regarde rien, elle court. Elle reste à l’écoute de son corps, elle surveille son rythme cardiaque sur sa montre high-tech.
Dans le chemin, une silhouette se déplace avec lenteur, presque hésitation. Elle l’aperçoit, s’agace déjà de ce qui pourrait ralentir sa course. C’est une personne seule. Tant mieux, au moins il n’y a pas de chien. Les chiens sont redoutables, soit ils lui emboitent le pas, soit ils sautent autour d’elle, cassant son rythme... Elle dévale le chemin creux, foulées régulières. Souffler, respirer. La silhouette devant elle : on dirait qu’elle lui est familière. Elle baisse les yeux, concentrée sur la pointe de ses chaussures. Bien régler ses foulées. Elle court ; bientôt elle est à la hauteur de l’obstacle. Aïe ! Elle la reconnaît. C’est Lulu, une amie. Elle va devoir s’arrêter. Comment faire autrement ?
Elle l’envisage une seconde à peine. Car s’arrêter : c’est ficher sa performance en l’air. Surtout là, juste au pied de la côte... Ailleurs, peut-être, mais là, l’élan sera brisé, elle ne retrouvera pas son déroulé. Tous les efforts qu’elle a consentis depuis qu’elle est sortie de chez elle, tous ces kilomètres engloutis seront perdus. Alors elle lève la main, regard fixé droit devant. Quand elle lance sa joyeuse apostrophe : « A plusssss... Lulu ! », elle a déjà dépassé son amie. Elle continue à agiter la main, elle court. Elle pose le menton sur la poitrine pour mieux diriger sa respiration.
Une minuscule et désagréable pensée grésille à l’arrière de son crâne. Elle secoue la tête, comme un animal agacé par un insecte. Elle ne veut pas se laisser envahir par le moindre remords. De toute façon, c’est trop tard à présent qu’elle est passée. Tout de même, qu’est-ce qu’elle a entendu dire récemment à propos de Lulu ?... Des problèmes de santé...graves... pancréas...
Pas de chance, bien sûr mais Lulu est une battante, et puis on dit tant de choses, les rumeurs sont dangereuses. N’empêche, elle aurait pu s’arrêter... Elle aurait dû s’arrêter. Elle chasse l’idée. Trop gênante. Ça lui gâche le plaisir de la course, la satisfaction de se dépasser... Elle déteste se sentir contrainte. Le marathon approche, un entraînement interrompu c’est une performance invalidée. Le malaise persiste. Elle s’en débarrasse : elle ira voir Lulu dès demain. Ou un jour prochain. Mais elle ira, c’est sûr. L’essentiel, c’est qu’elle lui ait parlé : « A plussss, Lulu » ! Elle lui a offert comme une petite promesse, ce code qui dit : « à bientôt... » Et qu’est-ce qu’elle a répondu Lulu quand elle l’a dépassée ? — Ne tarde pas trop... Mais non. Non. Elle lui a plutôt dit : « Ne cours pas trop. » Enfin, on verra. Elle ira.
Derrière elle, Lulu, appuyée sur ses bâtons, la suit des yeux. Sylvie, une amie vient de passer... Une amie ?
Lulu immobile à l’ombre ocellée d’un vieux cerisier en fleurs, absorbe la campagne printanière, elle respire à petites bouffées prudentes et pourtant affamées. Elle regarde autour d’elle, elle sait que déjà le néant l’a saisie, l’aspire inexorablement. Cette promenade, c’est comme un adieu. Elle sait que le temps lui est compté. Elle ne courra plus, elle. Elle cueille des yeux, les coucous verts et jaunes sur le talus, souvenir des bouquets d’enfance ; dans le pré où paissent deux beaux chevaux, quelques pies s’ébattent entre les pâquerettes. Elle salue le monde une dernière fois ; que c’est beau et comme elle est seule. Le printemps est suffocant de douceur, l’air fait une caresse tendre qui l’enveloppe et l’isole ; la berce et déjà, l’emporte. Elle se sent seule, Lulu. Si seule...
Les trente kilomètres sont avalés, le chrono bloqué. Performance nulle. Quinze secondes de perdues ! Sûr, Sylvie a dû perdre ce temps dans le mouvement d’hésitation qu’elle a eu en croisant Lulu et ensuite dans ses ruminations inutiles.
Elle reprend ses entraînements avec rigueur et méthode. Le marathon du 15 avril, c’est son objectif ultime. Elle a le souffle, elle a la forme, elle va le montrer. Elle n’a plus la jeunesse. Elle va la rattraper.
Les jours suivants, il pleut et elle court, il fait brumeux et elle court. Elle pense à Lulu, bien sûr. Elle y pense, elle ira la voir. Elle l’a dit : « A plusss, Lulu ». Bientôt... C’est promis. Demain.
Le lendemain, un soleil frais et juteux roule comme un beau fruit dans le ciel. Idéal pour une visite à son amie. Elles iront marcher ensemble. Seulement, après avoir tant couru sous la pluie ou dans le froid, se priver de ce jour si limpide, quand la compétition est si proche, ça ne paraît pas raisonnable. Ce serait même franchement improductif. Quand on fait une chose, on la fait à fond ou on ne la fait pas... Elle s’équipe méticuleusement, se connecte, pose son bandeau sur son front. Elle déclenche le chrono et s’élance. — A plusss, Lulu.
Le marathon approche, ce n’est pas le moment de faiblir ; pas si près du but. Le marathon, elle ne le terminera pas ; un mauvais élan et c’est le claquage. Elle claudique jusqu’au premier poste de secours. C’est fini. Elle rentre à la maison, Elle s’est déjà ressaisie : dès que sa cheville est rétablie, elle se remet à la course ! En attendant, elle va pouvoir rendre visite à Lulu, enfin. Dès demain. Ça leur fera vraiment du bien à toutes les deux.
La rencontre a lieu, le lendemain. Mais Sylvie n’est pas seule. Tous les amis sont là et aussi toute la famille de Lulu... La rencontre, elle a lieu dans la petite église du village. Derrière le corps porté de son amie... — A plus jamais, Lulu.
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